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Syrie: le régime intensifie les bombardements contre Alep

Alep (Syrie) (AFP) – Les habitants des quartiers rebelles d’Alep se terraient vendredi pour échapper aux raids et aux plus violents bombardements d’artillerie depuis deux ans, signe de la détermination du régime syrien de contrôler toute la ville.

A Berlin, les principaux dirigeants européens et le président américain Barack Obama ont appelé à « l’arrêt immédiat » des attaques contre le secteur rebelle d’Alep qui échappe depuis 2012 au contrôle du régime et qui est assiégé par ce dernier. 

L’actuelle offensive sur Alep-Est a commencé mardi et, pour le quatrième jour consécutif, les forces progouvernementales pilonnaient plusieurs quartiers. 

Selon le correspondant de l’AFP en secteur rebelle, jamais depuis deux ans, l’artillerie gouvernementale avait pilonné avec une telle intensité. En quelques minutes, des dizaines d’obus et de roquettes se sont abattus dans un bruit terrifiant et les explosions faisaient trembler le sol.

Le directeur des Casques blancs (secouristes) dans le quartier rebelle d’Al-Ansari a affirmé à l’AFP n’avoir « jamais entendu des bombardements d’artillerie aussi intenses » à Alep.

« Il est difficile de nous déplacer en raison (…) des obus qui s’abattent dans les rues », a indiqué Najib Fakhouri.

– Les immeubles tremblent –

Concomitamment, des hélicoptères larguaient des barils d’explosifs sur plusieurs quartiers rebelles de l’ancienne capitale économique de Syrie, devenue le principal front d’un conflit qui a fait plus de 300.000 morts depuis 2011.

Dans le quartier de Massaken Hanano, les immeubles vibraient à chaque frappe, d’après le journaliste de l’AFP et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Une vidéo obtenue par l’AFP y montrait l’étendue des destructions.

Les habitants d’Alep-Est, qui appellent en vain à l’aide, étaient terrés chez eux, comme la veille au soir, quand ils avaient éteint leurs lumières pour éviter d’être visés par les bombardements, a indiqué le correspondant de l’AFP.

Dans la nuit, des combats très violents ont opposé les rebelles aux forces prorégime à Cheikh Saïd, un quartier du sud d’Alep que l’armée tente de prendre depuis plusieurs semaines.

« Le régime a progressé avant d’être repoussé par les rebelles », a affirmé à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH.

Les insurgés ont de leur côté lancé une quinzaine de roquettes sur la partie gouvernementale d’Alep, aux mains du régime, faisant cinq morts dont deux fillettes, d’après les médias officiels.

Alors que dans les précédentes offensives, l’armée « ne se risquait pas dans la ville rebelle (…), elle (attaque) désormais ces quartiers » insurgés, a affirmé à l’AFP Fabrice Balanche, expert de la Syrie au Washington Institute.

Depuis la reprise mardi des bombardements après une suspension d’un mois, les bombardements du régime ont tué au moins 65 civils selon l’OSDH.

Les habitants d’Alep-Est connaissent en outre depuis quatre mois les affres d’un siège et aucune aide ne peut leur parvenir.

Les dépôts des ONG locales sont désormais vides et des habitants affamés ont attaqué cette semaine des dépôts de vivres du conseil municipal rebelle, selon un journaliste de l’AFP.

– ‘Etats-Unis paralysés’ –

Les forces du régime « entendent combiner bombardements aériens et famine résultant du siège pour obtenir une reddition des rebelles », affirme Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et professeur à l’université d’Edimbourg.

Selon lui, la différence avec les autres offensives, c’est que désormais « les habitants (d’Alep-Est) commencent à mourir de faim », ajoute-t-il.

La Russie, qui intervient en Syrie depuis plus d’un an pour soutenir le régime, ne participe aux bombardements aériens à Alep-Est mais mène des frappes depuis mardi sur la province voisine d’Idleb (nord-ouest), contrôlée par une alliance de rebelles et de jihadistes.

Selon des analystes, Damas et ses alliés veulent gagner du temps avant la prise de fonction de Donald Trump à la présidence américaine en janvier 2017.

« Il est clair que la Russie, Damas et Téhéran veulent reprendre l’est d’Alep rapidement. Les Etats-Unis sont paralysés, il faut mettre Trump devant le fait accompli en janvier prochain », d’après M. Balanche.

A l’est de la capitale Damas, au moins 22 civils dont dix enfants, ont péri dans des bombardements en 24h sur plusieurs villes de la Gouta orientale, fief des rebelles, selon l’OSDH.

Alors que le régime cherche à reprendre Alep-Est aux rebelles, une coalition arabo-kurde a lancé le 5 novembre une offensive en vue de reprendre Raqa au groupe Etat islamique (EI) qui a fait de cette ville de l’est sa « capitale » en Syrie.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a affirmé vendredi que le groupe jihadiste, visé également en Irak, « pourrait avoir fabriqué lui-même » du gaz moutarde.

Son directeur général Ahmet Üzümcü a jugé cela « extrêmement inquiétant ».

© AFP Abd Doumany
Des habitants recherchent des victimes dans les décombres des immeubles après une frappe aérienne du régime de Damas, le 17 novembre 2016 à Douma, en Syrie