Genève (AFP) – Les négociations intersyriennes visant à mettre un terme au conflit en Syrie ont commencé lundi à Genève sous l’égide de l’ONU, mais le sort réservé au président Bachar al-Assad risque de faire capoter le processus de paix.
L’orchestrateur de ces discussions, Staffan de Mistura, envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a affirmé que « la mère de toutes les questions » était de trouver un accord sur une transition politique. « Nous sommes à un moment de vérité », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse en préambule de sa rencontre avec le négociateur en chef du régime de Damas, Bachar al-Jaafari.
A l’issue de ce premier entretien qui a duré plus d’une heure au Palais des Nations, M. De Mistura a expliqué qu’il avait « permis de clarifier un certain nombre de questions, notamment de procédure ». « La prochaine rencontre (avec le régime), mercredi matin, sera centrée sur l’ordre du jour, qui est comme vous le savez celui fixé par la résolution 2254 », a-t-il ajouté.
Ce document, adopté en décembre par le Conseil de Sécurité de l’ONU, prévoit la formation d’un organe de transition en Syrie dans les 6 mois et des élections dans les 12 mois suivants.
A son tour, M. Jaafari a dit devant la presse que cette rencontre avait été « positive et constructive ». Il a indiqué qu’il avait donné à l’émissaire de l’ONU « des éléments de base pour une solution politique », mais sans fournir de détails.
« Nous voulons un dialogue entre Syriens, mais sans condition préalable », a ajouté M. Jaafari, ambassadeur de la Syrie à l’ONU, en référence aux exigences de l’opposition qui réclame le départ du président Assad, mort ou vivant, avant toute solution politique.
– Organe de transition ou gouvernement d’union ? –
L’opposition syrienne, représentée par le Haut comité des négociations (HCN) qui regroupe une myriade de groupes différents, veut la mise en place dans les 6 mois qui viennent d’un « organe de transition » doté de tous les pouvoirs.
Pour Damas, dont les positions militaires sur le terrain ont été considérablement renforcées grâce à l’intervention militaire de son allié russe, il est hors de question de parler du sort du président Assad.
Le régime considère la transition comme un simple remaniement ministériel avec un « gouvernement d’union » élargi à des opposants.
Washington et Paris ont mis en garde dimanche le régime syrien contre toute tentative de « faire dérailler le processus » de Genève en voulant exclure des discussions le sort du chef de l’Etat.
Le format de ces pourparlers prévoit des rencontres alternées de l’émissaire de l’ONU avec chaque délégation, car pour l’instant, il n’est pas prévu de rencontre directe entre les belligérants.
L’opposition, qui aura mardi des discussions avec M. de Mistura, a affirmé qu’elle n’avait pas l’intention de se retirer des négociations, comme elle l’avait fait lors du premier round en février pour protester contre les frappes russes.
La guerre en Syrie, qui a débuté en mars 2011 après la répression sanglante par le régime de manifestations prodémocratiques, s’est transformée en un conflit complexe impliquant une multitude d’acteurs locaux et internationaux. Elle a fait plus de 270.000 morts, poussé plus de la moitié des habitants à quitter leur foyer et provoqué par ricochets une importante crise migratoire.
Dans un rapport publié lundi, l’Unicef a révélé que quelque 3,7 millions d’enfants, soit un jeune Syrien sur trois, étaient nés depuis le début du conflit, qui touche au total 8,4 millions d’enfants syriens, soit plus de 80% d’entre eux, en Syrie ou en exil.
– Contexte différent –
Le contexte des nouvelles discussions de Genève est toutefois radicalement différent en raison d’une cessation des hostilités sur le terrain entre les rebelles et le régime, instaurée depuis le 27 février.
Initiée par les Etats-Unis et la Russie, la trêve tient malgré quelques violations, et l’ONU avec ses partenaires ont pu apporter de l’aide à près de 250.000 personnes vivant dans des zones assiégées.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a toutefois indiqué que la livraison d’aide à quatre villes assiégées en Syrie avait été annulée lundi en raison de problèmes de sécurité.
Grands absents de ces pourparlers de paix, les Kurdes de Syrie, alliés de Moscou et de Washington, contrôlent pourtant plus de 10% du territoire et les trois quarts de la frontière syro-turque. Mais la Turquie, en conflit avec ses propres Kurdes, s’oppose à leur présence à Genève.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a réaffirmé lundi que ces discussions devaient « inclure tout l’éventail des forces d’opposition ».