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Tatoueurs de Tahiti :  deux artistes, deux mondes, une même passion

©D.Myszka

Si leurs parcours professionnels diffèrent, ils partagent la même vision du métier : la transmission. À travers leur art, Tevairai et Eli M naviguent entre les racines de leur culture locale et les inspirations internationales, et font vivre le tatouage polynésien à travers des trajectoires géographiques et personnelles distinctes.

Lors du dernier Tahiti Tattoo Fest, Tevairai Hargous, 33 ans, était le plus jeune tatoueur utilisant la technique ancestrale du tap-tap. Une méthode qu’il a apprise auprès de Roonui Anania lui-même. L’un des trois mousquetaires du tatouage aux côtés de Chimé et Purotu, Roonui compte parmi les tatoueurs polynésiens les plus réputés. « Je l’ai rencontré lors de mes études au Canada. Il a vu que je savais dessiner et comme il cherchait un assistant, il m’a engagé. J’ai eu la chance d’apprendre un métier avec lui pendant deux ans. C’était mon université de tatouage », raconte Tevairai, fièrement. Grâce à cette rencontre, il ne deviendra donc pas un architecte comme l’auraient souhaité ses parents.

Après avoir tenté une brève aventure professionnelle à Tahiti, l’homme a choisi de vivre et de travailler en Espagne, loin de son île natale. En Europe, il a perfectionné son art du tatouage traditionnel auprès d’autres maîtres, notamment le Néo-zélandais Brent McCown ou encore Vatea Labbeyi. « La méthode traditionnelle était ma porte d’entrée à Barcelone », admet-il.

Désormais, il tient sa boutique Porinetia Tatau dans la capitale catalane et fait des conventions partout en Europe, à Paris, Berlin ou encore Amsterdam. Il ne cache pas que pour rentrer dans ses frais, il tatoue essentiellement à la machine, notamment des motifs marquisiens. « Le tap-tap nécessite une bonne organisation et un « stretcher » qu’il faut payer. Cette méthode nous demande aussi plus de précision et de technique. Mais il est nécessaire de se la réapproprier. C’est notre devoir pour faire perdurer la tradition », insiste Tevairai, participant activement à la promotion de ce savoir-faire ancestral à l’étranger. Ses clients « du monde entier » souhaitent un tatouage réalisé par un Polynésien « pour raconter une histoire ».

« Aujourd’hui, le milieu est très ouvert »

Eli M. (qui préfère taire son nom de famille), 32 ans, est, elle aussi, une conteuse d’histoires humaines. Il est d’ailleurs impossible, selon elle, de faire ce métier sans empathie. « On fait un peu psy, car souvent un tatouage marque une étape dans la vie des gens », glisse-t-elle.

Cette maman d’une petite fille était l’une des premières femmes dans le milieu à Tahiti. « Au début, les gens me regardaient comme un alien. Aujourd’hui, le milieu est très ouvert », estime-t-elle. Fatiguée après le dernier Tahiti Tattoo Fest où, le premier jour, elle a emporté le deuxième prix dans la catégorie « moderne », elle avoue cependant qu’il est difficile de concilier vie de maman et vie professionnelle. « C’est un métier où on donne beaucoup de nous. »

Eli M a suivi ses études d’architecture d’intérieur à Paris avant de découvrir le monde du tatouage. « J’étais à la recherche d’un truc plus funky », rigole-t-elle. Formée par les différents professionnels sur l’île, elle décide, pour plus de pratique, de repartir en France à l’École française de tatouage. Quelques années plus tard, elle partagera son savoir lors de la formation Patutiki organisée en partenariat avec l’EFT aux Marquises. « Au retour à Tahiti, je voulais tatouer tout sauf le local », se remémore-t-elle. Aujourd’hui, propriétaire d’un studio à Pirae, elle marie à la perfection les symboles ancestraux polynésiens avec des inspirations orientales. « Le tatouage est un bijou ou une armure qui met le corps en valeur », estime la tatoueuse qui ne prépare jamais ses pièces en avance : « J’ai besoin de les voir sortir de la personne ». Et « tout comme les anciens », elle a une approche spirituelle du tatouage. Une méthode qu’elle transmet volontairement à ses apprentis. « C’est un métier de transmission. Il est important de perpétuer cette tradition », souligne la tatoueuse. Comme Tevairai à Barcelone, Eli M. contribue, sur place, à préserver l’art ancestral du tatouage polynésien tout en lui donnant une dimension internationale.

 

 

 

 

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