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Te Ma Tairoto : la solution pour une meilleure gestion des déchets perlicoles ?

Un ROV inspecte des lignes de perliculture abandonnées, dans le cadre du projet RESCUE aux Gambier. 

La perliculture, ressource économique cruciale au fenua, pose des défis environnementaux importants. Le bureau d’étude Odewa travaille depuis deux ans à l’élaboration d’un système mécanique permettant de collecter, au moment de la récolte des nacres, tous les déchets de la perliculture. Te Ma Tairoto, c’est son nom, offrirait ainsi une lueur d’espoir pour une gestion plus durable du secteur. À ce jour, le développement technique du projet est achevé, mais les ingénieurs attendent des financements publics et privés pour le concrétiser.  

Deuxième ressource économique au fenua, la perliculture est depuis quelques années maintenant reconnue comme une source non négligeable de pollution des lagons. Cette problématique, devenue de notoriété publique en 2021 après la publication des résultats du programme d’étude mené par l’Ifremer entre 2017 et 2020 dans les lagons de Ahe, Manihi et Takaroa, avait alors fait réagir les autorités. En effet, elle avait révélé la présence de micro-plastiques présentant « des similitudes » avec les équipements utilisés en perliculture dans ces zones concentrant pourtant peu d’habitants. Cette contamination, à première vue invisible, engendre pourtant de gros dégâts sur la faune et la flore marine des atolls où se cultivent les huîtres perlières. Les matières organiques qui s’accrochent aux lignes abandonnées au fond du lagon accélèrent le blanchiment des coraux, et les micro-plastiques altèrent la qualité des huîtres perlières et contaminent la chaîne alimentaire.

« C’est le Moyen-âge mais malheureusement aujourd’hui c’est la seule chose qui existe. »

Face à ce constat « alarmant », le Pays s’est lancé depuis 2021 dans une véritable chasse aux déchets de la perliculture. Cependant, cette tâche est loin d’être simple. David Wary, ingénieur et consultant fondateur du bureau Odewa spécialisé dans le domaine maritime, rappelle qu’aujourd’hui, sur le seul atoll de Takaroa, environ 3 800 tonnes de déchets seraient encore immergés. Selon lui, cette tâche nécessiterait 20 ans de travail avec les techniques de collecte actuelles, qui sont coûteuses (environ 1,2 million de Fcfp par tonne) et nécessitent la mobilisation de plongeurs professionnels. « C’est un travail extrêmement ingrat, se désole David Wary. Ils se blessent, c’est ultra urticant, ce sont des lignes qui font plusieurs centaines de mètres, voire kilomètres, et qui sont manipulées plusieurs fois pour les sortir de l’eau, les ramener à quai, puis les mettre en big bag. Il faut aussi les trier pour différencier les différents types de matériaux… bref, c’est le Moyen-âge mais malheureusement aujourd’hui c’est la seule chose qui existe. »

Vers une solution innovante 

David Wary et son équipe de quatre collaborateurs ont décidé de concentrer leurs efforts sur la collecte des déchets de la perliculture. Depuis deux ans, ils travaillent sur l’élaboration « d’un système mécanisé » permettant aux perliculteurs d’agir de manière autonome. « Le système permettra, au moment de l’extraction, de nettoyer directement l’intégralité des po’ito, des lignes, des casiers, des collecteurs. Ensuite, de les dissocier directement sur la barge, avec des zones de stockage pour éviter de faire de multiples allers-retours vers le quai du village », explique l’ingénieur.

 

Odewa cherche des financements

Aujourd’hui, les chercheurs d’Odewa ont achevé le développement technique de leur projet baptisé Te Ma Tairoto. Les premières étapes du prototype ont été dessinées, mais la structure d’études manque de financement : 120 millions au total. Ils attendent désormais un coup de pouce des autorités du Pays et de l’État via l’Ademe, mais ont aussi besoin de financements privés pour mener à bien ce projet qui devrait être « au moins dix fois plus performant que les solutions actuelles, voire vingt ou trente fois plus à terme ». L’adoption généralisée de cette solution innovante dans l’industrie de la perliculture pourrait avoir des implications significatives à long terme. Non seulement elle réduirait considérablement les déchets marins, mais elle améliorerait aussi la durabilité de l’industrie perlicole et préserverait les écosystèmes côtiers. Cependant, pour surmonter les défis financiers et techniques restants, une coopération étroite entre les autorités, les entreprises privées et les communautés locales sera essentielle. Dans le meilleur des mondes, l’appareil pourrait être dupliqué puis acquis par les producteurs pour vingt millions.

 

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