ACTUS LOCALESENVIRONNEMENTSPORTS

Teahupoo : « Ma norme à moi, c’est le code rouge », dit l’un des constructeurs de la tour en bois

©Tim McKenna

Christopher O’Callaghan est avec Moana David le concepteur de la tour des juges de Teahupoo érigée en 1999, puis renforcée 10 ans plus tard. Il défend la réutilisation de cette tour : « Ma norme à moi, c’est le code rouge. » L’ancien directeur de la compétition à l’époque « Billabong » affirme que la barge des essais malheureux de vendredi dernier ne pourra jamais être utilisée sans faire de dégâts, et que Paris 2024 fait une erreur en ne mettant pas à profit les connaissances de l’équipe locale.

Christopher O’Callaghan connaît bien Teahupoo. Et pour cause, cet Australien, charpentier de formation, a été directeur de la compétition  sur le spot de 1999 à 2013, à l’époque « Billabong », etil a  surtout participé à la conception  de la tour en bois avec Moana David. « En 1998, pour la Gotcha Pro, ils ont fait construire un truc en aluminium, qui a été emporté par le mauvais temps. On a du mettre tout le monde sur un bateau et ça a été une catastrophe. Un ami qui travaillait pour l’organisation savait que j’étais charpentier. Moi je travaillais avec Moana, on avait une pension à Taapuna depuis la fin des années 80. Un de mes amis australiens avait construit une tour en bois à Grajagan en Indonésie, alors je l’ai fait venir, on s’est assis et j’ai dessiné des plans. »

©Tim McKenna

Les deux hommes édifient une première version de la tour en bois, dont les fondations sont améliorées en 2009 par la subdivision Phares et balises de la Direction de l’équipement : « Ces gars-là ont fait toutes les fondations maritimes de Polynésie depuis 50 ans, c’est pas n’importe qui, c’était du travail de pro. C’est fait pour durer 20, 50 ans. On pouvait juste arriver et cliquer la tour sur les fondations, c’était parfait. Et très solide. Le truc, c’est qu’on l’a dessinée pour que l’eau passe à travers, et elle ne bouge pas même quand la houle est énorme. En 2013 on a eu un code rouge, et la tour a tenu. On avait pour un million de dollars d’équipement sur la tour, et pas le temps de l’enlever, et la tour n’a pas bougé. Alors quand j’entends des gens parler de normes, je me dis de quelles normes parlent-ils ? Ma norme à moi, c’est le code rouge. »

Chris O’Callaghan réfute l’idée, avancée par les organisateurs, de l’absence de plans ou de notices de montage de la tour en bois. Et il est véhément quand il s’agit de défendre le travail réalisé à l’époque : « Les gars des Phares et balises étaient aussi des surfeurs, ils étaient impliqués, et personne n’essayait de faire le boulot au rabais, ils avaient de bons matériaux, et c’était supervisé par le Pays. Et puis, il ne faut pas oublier que les pieux ne sont installés dans les fondations que deux mois par an, donc leur durée de vie est supérieure à 20 ans. »

Il explique également que la tour en bois peut supporter jusqu’à 30 personnes et le matériel technique, même si la liberté de mouvement doit être restreinte. Il ne comprend pas, dit-il, pourquoi les anciennes fondations ne sont pas réutilisées. Il avance aussi un autre argument : « l’échafaudage en bois, on a toujours des pièces de rechange dessus pour renforcer rapidement si besoin. On n’a jamais eu besoin. Avec l’aluminium, s’il y a un problème, c’est fini, il faut faire descendre tout le monde. »

« Pas moyen de faire passer cette grosse barge »

Chris O’Callaghan a vu les images de vendredi dernier. « Il n’y a pas moyen de faire passer cette grosse barge. Nous, on a une mini barge avec une proue pointue, et les mêmes pilotes depuis 23 ans. On met des gars à l’avant, on sonde avec des pieux en avançant, on a fait des milliers d’allers-retours. Et on ne touche pas le corail, parce qu’on utilise nos propres moteurs et nos propres hélices, on y fait attention. Mais cette grosse barge, même nos gars ne pourraient pas la faire passer. »

Impossible  de juger une compétition depuis la plage

En revanche, en tant qu’ancien directeur de la compétition, il affirme qu’il n’est pas possible de juger la compétition depuis la plage, à 750 mètres de distance de la tour actuelle. « Absolument pas. D’abord, et c’est pour ça qu’on a dû construire une tour aussi haute, quand les vagues sont grosses, il faut qu’on puisse voir par-dessus la première vague si un gars s’engage sur la deuxième, on ne peut pas le faire depuis la plage ou alors il faut percher les juges à 200 mètres de haut. » Et s’il reconnait ne pas être un spécialiste des drones, il connaît bien le travail des juges : « Il faut que les juges soient devant.  Tout est filmé, mais parfois ils ont besoin de regarder le replay, c’est pour ça que ça prend parfois du temps d’avoir les scores. C’est un environnement très contrôlé, on ne pourrait pas le faire depuis la plage. »

©Tim McKenna

Chris ne remet pas en question la venue des JO à Teahupoo : « Merci la France pour cette opportunité, et j’espère que les gens vont réaliser à quel point c’est une chance. Je veux juste que ce soit une réussite. Mais les locaux savent vraiment comment faire. On a un bilan parfait ! 23 ans sans accident ! Dans la vie, il n’y a rien de mieux de l’expérience, et on a un bilan parfait, répète Chris O’Callaghan d’une voix triste et exaspérée. La seule différence que je vois, c’est l’argent. »

©Tim McKenna

Article précedent

Après les pluies et les inondations, attention aux risques infectieux

Article suivant

Challenges du fenua durable : trois nouveaux lauréats s'engagent sur trois ans

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Teahupoo : « Ma norme à moi, c’est le code rouge », dit l’un des constructeurs de la tour en bois