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Téléphonie : Viti ne veut plus opérer sur siège éjectable


L’opérateur de téléphonie mobile est devant le tribunal administratif pour demander la révision du cahier des charges lié à sa licence. Un document qui lui impose de déployer des antennes dans plusieurs autres îles après Tahiti et Moorea, ce qui aurait déjà dû être fait à Bora Bora, Raiatea, Huahine et Taha’a. « Irréaliste » pour Viti, surtout au vu des frais d’itinérance « intenables » qui lui ont été facturés par l’OPT. Pour la rapporteur public, cette révision devra pourtant attendre les résultats de l’étude du Pays sur les « zones denses ».

Au palais de justice de Papeete, les recours du secteur des telecom pourraient animer une chambre à part. Dans le courant de l’année dernière, les juges ont vu passer l’affaire de la délégation de service public d’Onati, qui après un passage au conseil d’État reviendra vers Tahiti, le dossier de la portabilité, qui risque lui aussi de rebondir, celui des coût d’itinérance… Ce matin, c’est Viti qui était à l’offensive, pas contre l’OPT, mais contre le Pays pour faire revoir le cahier des charge qui lui a été imposé lors de l’obtention – déjà devant le tribunal – de sa licence d’opérateur de téléphonie mobile. Un document qui prévoit, comme le cahier des charges de la licence de Vodafone, plusieurs fois révisé, le déploiement d’antennes dans plusieurs îles du fenua hors Tahiti et Moorea. Déploiement de la 4G à Bora Bora dans les deux ans suivant son entrée en opération, puis à Raiatea un an plus tard, et ainsi de suite à Huahine, Taha’a et Maupiti. L’opérateur des « 88 », petit poucet du marché polynésien, est donc aujourd’hui tenu d’avoir développé son propre réseau dans quatre îles des Raromatai : plus de cinq ans après la signature du contrat d’itinérance, elle ne l’a fait qu’à Tahiti et Moorea.

« Ce cahier des charges est intenable et la Polynésie le sait, a martelé l’avocat de Viti, Me Mourad Mikou, à l’audience ce matin. Toutes les analyses le disent, c’est économiquement impossible de se développer dans tant d’île. L’OPT peut le faire, mais à coup de subventions ». D’autant impossible, ajoute le conseiller, qu’après les péripéties légales qui ont mené à l’autorisation du troisième opérateur, des « obstacles financiers » ont été placés sur sa route, « cette fois par l’OPT ». En cause : les « coûts d’itinérance forfaitaires », d’abord fixés à 190 millions de francs par an, et demandés par l’OPT pour utiliser son réseau dans les îles.

135 millions de frais d’itinérance « qui aurait pu servir à nous développer »

De discussions en procédures, l’opérateur lancé par Mario Nouveau aurait fini par payer « environ 135 millions de francs » à l’OPT sur trois ans pour cette itinérance. Une somme « qui aurait pu servir à équiper au moins 9 sites » avec des antennes Viti, relève Maître Mikou. L’Autorité de la concurrence, saisie du dossier, a fini par obliger l’office, en mars dernier, à réaliser un nouveau chiffrage de ces frais basé sur les surcharges réelles d’exploitation de cette utilisation de ses antennes. « Le coût d’itinérance a substantiellement baissé », reprend l’avocat, qui chiffre, en audience, la nouvelle somme à 1,5 million de francs par an. Le calcul serait en fait « plus complexe ». « Mais le fait est qu’après avoir eu des coûts qui ont causé plusieurs années de retard sur notre développement, on a enfin des coûts tenables », reprend-il pour appuyer la demande de Viti d’allonger le calendrier de déploiement d’antennes inscrit dans le cahier des charges de sa licence.

Il s’agit donc de régulariser la situation de l’opérateur, de sortir de « l’insécurité juridique » actuelle. Car si les autorités n’ont pas engagé de procédure contre Viti – ni même menacé de le faire – il leur suffirait « d’appuyer sur le bouton eject » pour lui retirer son agrément. « L’OPT pourrait également nous couper l’itinérance dans les îles », ce qui a d’ailleurs été brièvement le cas pour Vodafone en 2022. « Ça restreindrait le service de Viti à peau de chagrin », pointe l’avocat.

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Dans son recours, Viti demande surtout le report des obligations de déploiement du réseau à Bora Bora à 2026. La Perle du Pacifique pourrait en effet être la seule île, hors Tahiti et Moorea, à être déclarée en « zone dense » par les autorités. Cette classification a été recommandée de longue date par l’Autorité de la concurrence : les opérateurs seraient sommés de déployer leur propre réseau dans les îles les plus peuplées, et des conventions d’utilisation du réseau de l’opérateur public seraient signées pour les autres zones, « peu denses ». En août dernier, le gouvernement de Moetai Brotherson avait de nouveau saisi l’APC sur ce sujet très technique, afin d’avancer dans la règlementation, et avait par la suite lancé une étude formelle pour déterminer la classification de chaque île du fenua. Raiatea, Huahine, Rangiroa ou Taha’a avaient un temps été envisagées comme « denses », elles devraient être, aux dernières nouvelles, déclassées.

Quoiqu’il en soit, le rapporteur publique du tribunal administratif a estimé ce matin, que la révision du cahier des charges de Viti devait attendre les résultats de cette étude. Elle a donc demandé au juge de rejeter la requête. Mais l’opérateur, lui, ne veut pas attendre : « ce chantier a été initié en 2019, et à ce jour, en 2024, il n’a pas connu d’aboutissement, reprend Me Mikou. Il va peut être aboutir dans 6 mois – j’en doute – probablement dans 3 ans, 4 ans, 5 ans peut être même… ».