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Tematai Le Gayic veut lancer le travail sur « la restriction du corps électoral »

CR/Radio1

Invité de la rédaction de Radio1, le député est revenu sur sa tentative de faire reconnaitre le peuple maohi à Paris. Mais il a surtout détaillé les points de vue qui s’opposent au sein du Tavini en matière d’avenir institutionnel. Quand Moetai Brotherson tente d’obtenir des évolutions du statut d’autonomie, notamment sur la citoyenneté maohi, Oscar Temaru s’y oppose, revendiquant seulement l’ouverture de négociations sur l’indépendance. Tematai Le Gayic, lui, tente de convaincre de l’utilité d’une révision constitutionnelle qui permettrait de protéger l’emploi, le foncier, mais surtout de créer un corps électoral où « seuls les Polynésiens décideraient » au moment de l’autodétermination.

Lire aussi : la reconnaissance de Maohi Nui sur la table de l’assemblée

Le texte sera officiellement déposé « dans quelques heures » au Palais Bourbon. Le temps pour certains soutiens, notamment du côté des députés du groupe Nupes, qui devraient endosser le texte, d’y apposer leur signature. Tematai Le Gayic espère aussi faire parapher cette « proposition de résolution sur la reconnaissance par la République française du peuple de Maohi Nui » par d’autres parlementaires, du côté des groupes centristes Liot et Démocrates. Des élus proches de la majorité présidentielle qui pourraient selon lui se laisser tenter par un texte « non contraignant » par nature. La résolution serait tout de même « un premier pas » qui permettrait de définir dans la loi un « peuple maohi » distinct et pas « inclus » dans le peuple français, et justifier, à l’avenir, des lois de discrimination positive, sur la protection de l’emploi, le foncier ou le droit de vote à certaines élections. « Aujourd’hui, on ne peut pas le faire parce que dans le droit, dans les textes, on n’existe pas », précise le jeune parlementaire.

La citoyenneté, un pas vers l’indépendance ou « 40 ans d’autonomie supplémentaire » ? 

Tematai Le Gayic l’a déjà dit : faire voter – ou même faire débattre en plénière – une telle résolution, « ça sera difficile ». Mais qu’importe. Il voit dans le simple dépôt du texte un moyen « d’avancer » sur le sujet de l’avenir institutionnel, malgré le débat qui existe au sein du camp Tavini. Pas de désaccord sur l’objectif : « On veut tous l’indépendance », clarifie-t-il. Mais pas tous de la même façon. Paris a officiellement ouvert la porte aux évolutions institutionnelles des Outre-mers et Moetai Brotherson et son gouvernement semblent déterminés à s’y engouffrer.  Le président demande, dans ses discours ou lors de ses entretiens à Paris, davantage de transferts de compétences de l’État vers le Pays, évoque une future élection du chef du gouvernement au suffrage universel direct. Ou demande la création d’une citoyenneté maohi qui, justement, doit permettre d’asseoir des lois priorisant les Polynésiens sur d’autres résidents en matière d’emploi, de foncier ou de vote. Un vœu a même été adopté dans ce sens par le Conseil des ministres en septembre dernier. L’exécutif aurait bien vu Tarahoi lui emboiter le pas. La majorité Tavini n’a pas suivi.

Et pour cause : la ligne officielle d’Oscar Temaru, c’est de refuser de négocier des petits pas au sein du statut d’autonomie. Il s’agit plutôt, et le leader bleu ciel a le bénéfice de la constance sur ce point, de revendiquer directement l’ouverture d’un processus d’autodétermination, de négocier une décolonisation « d’égal à égal » avec Paris, sous le patronage des Nations-Unies. Forcément, une citoyenneté polynésienne accordée par la France ne rentre pas dans ce schéma et parait même, pour les vieux cadres du parti, contre-productive. « Le président Oscar Temaru, il a 40 ans d’expérience politique derrière lui, il a vécu les accords de Nouméa et de Matignon, rappelle Tematai Le Gayic. Il nous explique qu’une citoyenneté comme celle qui a été imposée à la Nouvelle-Calédonie et comme la France souhaite peut-être nous imposer, c’est nous embourber dans 40 ans d’autonomie supplémentaire. »


Un corps électoral restreint comme condition à une révision

Pour le député, mettre sur la table de l’Assemblée nationale cette proposition de résolution, c’est un peu faire la jonction entre les deux camps. Le texte parle bien de la nécessité de lois de protection du « peuple maohi », évoque les difficultés d’accès à la terre et à l’emploi, mais invite en même temps Paris à « entamer le processus d’autodétermination sous l’égide des Nations-Unies ». Derrière cette position neutre entre les deux ailes du Tavini, l’élu, qui est aussi représentant bleu ciel à Tarahoi, cherche tout de même à convaincre son camp que l’action parlementaire nationale est nécessaire pour avancer vers l’indépendance. « Si notre arme c’est le vote, comme l’a toujours dit Oscar Temaru, ça doit se faire dans les règles, malheureusement, que l’État français nous impose », pose-t-il. Et parmi ces règles, celles d’un vote constitutionnel pour faire sortir un territoire comme la Polynésie de l’ensemble français ou même pour décider qui voterait – et qui ne voterait pas – lors d’une éventuelle consultation sur l’indépendance.

Pas question de remettre en cause frontalement 40 ans de stratégie du Tavini. Le parti « a réussi à ramener de la démocratie dans ce pays », appuie-t-il, rappelant la longue lutte du Tavini contre un Gaston Flosse « soutenu par la puissance administrative qui était au pouvoir pendant 20 ans ». Mais il s’agit bien de faire évoluer la vision de la marche vers l’audétermination. « Aujourd’hui, il y a un pas supplémentaire que le Tavini doit faire, reprend le jeune élu. Si on va vers un référendum, comme le préconise les Nations-Unies, il faut se pencher sur la question des droits politiques qu’il faut donner à certaines personnes ou non. » Et donc obtenir une révision de la Constitution.

Justement, en matière constitutionnelle, la chasse aux propositions est ouverte. Emmanuel Macron a lui-même annoncé l’année dernière un élargissement des possibilités de recours au référendum, a évoqué, plus tard, un changement de mode de scrutin municipal dans les trois plus grandes villes françaises. Gérald Darmanin doit, lui, faire avancer une révision relative à la Nouvelle-Calédonie – encore modifiable en cas d’accord des forces politiques locales – et vient d’en promettre une sur le « droit du sol » à Mayotte. Du côté du Parlement, les députés viennent de donner leur accord – à une large majorité, comprenant les trois députés polynésiens – à l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, avant un débat – probablement plus difficile – au Sénat. Quant à l’Outre-mer, l’Élysée a lancé une « consultation » au calendrier des plus fous sur les réformes de statuts des collectivités, et l’Assemblée nationale lui a emboité le pas en créant une mission d’information… dont Tematai Le Gayic fait partie.

À la fin, c’est le Tavini qui décide

Le jeune député travaillerait-il donc sur des révisions de la Constitution contre l’avis de son parti ? Pas nécessairement, répond-il. D’une part parce que la mission d’information ne fera que lister la position de chaque acteur de chaque territoire, aucun n’étant « homogène » sur ces questions. Mais les révisions de statut ou de la Constitution, elles, devront être demandées par les instances du Pays. « In fine, ce sera bien le Tavini Huiraatira qui va décider parce que ça sera un vote à l’assemblée de Polynésie, décidé par une majorité Tavini et ce sera défendu par des députés qui viendront du Tavini. »

D’autre part parce qu’Oscar Temaru pourrait finir par soutenir une révision, parie l’élu de 23 ans. À condition qu’elle soit accompagnée d’un « projet de décolonisation franc ». Et c’est sur cette voie médiane que le député entend avancer. « Je suis du côté de la loi qui pourra protéger l’emploi, protéger le foncier et restreint le corps électoral pour que ce soient seuls les Polynésiens qui décident de l’avenir institutionnel de ce pays, insiste-t-il. Maintenant, que ça s’appelle citoyenneté, que ça s’appelle droits spécifiques au territoire de la Polynésie, que ça s’appelle autrement… L’objectif, c’est que cette loi, elle puisse avoir trois jambes et pas que deux : la protection du foncier, la protection de l’emploi et la restriction du corps électoral pour l’accession à la pleine souveraineté. »

L’indépendance, une « question de temps » pour Paris ? 

Posture idéologique, naïveté ou flair politique, le parlementaire se veut optimiste sur le soutien à ses idées. Ainsi explique-t-il que des terrains d’entente peuvent être trouvés avec les autonomistes sur cette question cruciale de l’avenir institutionnel. Et même que les dirigeants parisiens ne sont pas aussi farouchement opposés à ses propositions ou à celle d’indépendance qu’il veulent bien le montrer. « J’ai rencontré à plusieurs reprises le ministre Gérald Darmanin lorsqu’il s’est déplacé en Polynésie et même à l’Assemblée nationale. Il est très ouvert sur la question de l’indépendance, assure-t-il. Évidemment, il est attaché à la Polynésie, mais pas à la Polynésie en tant que territoire français. À la Polynésie, en tant que territoire stratégique pour la France dans l’Indo-Pacifique. » À l’entendre « l’indépendance, à Paris, n’est pour personne une question, mais c’est une question de temps. »

Le temps, c’est aussi le nœud du débat au Tavini, entre le leader historique qui veut des négociations et un vote rapide d’autodétermination. Et ceux, qui sous couvert de pragmatisme ou de compromis, seraient prêts à accepter un accord de décolonisation sur 20 ans. À Paris ou à l’ONU où la France s’est exprimée l’année dernière pour la première fois sur le dossier polynésien, les autorités nationales n’ont, en tout cas, fait évoquée ni l’une ni l’autre de ces options.

« Plus aucun interlocuteur » dans l’exécutif parisien

La situation inquiétait déjà les élus ultramarins, elle commence à interroger les médias métropolitains. Philippe Vigier, qui était jusqu’au 8 janvier ministre délégué aux Outre-mer n’a été ni reconduit, ni remplacé, ni officiellement écarté. La démission de la Première ministre Élizabeth Borne va théoriquement de pair avec la fin de fonction de tous les membres de son gouvernement. Mais une continuité est normalement assurée par les ministres en place jusqu’à la nominations de leur successeur. Ou leur confirmation, comme cela a été le cas de Gérald Darmanin, qui reste, sous le gouvernement de Gabriel Attal annoncé le 11 janvier, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Un double portefeuille très lourd, surtout en ces temps de révolte des agriculteurs, de préparation des JO ou de débat sur l’immigration. Raison pour laquelle il était secondé, dans ses fonctions comme dans son voyage en Polynésie en août dernier, par Philippe Vigier, ministre délégué et locataire de la rue Oudinot. Depuis trois semaines, donc, pas de nouvelles sur Philippe Vigier – pas plus que sur les attributaires des portefeuilles du Logement, de la Santé ou des Transports, entre autres. Si ce n’est que l’élu centriste continue de profiter de son logement et sa voiture de fonction avec chauffeur, et qu’il organise encore des dîners au ministère, comme l’a révélé Mediapart. Les élus ultramarins, eux, attendent. « Depuis le renouvellement et le gouvernement Attal, on a plus aucun interlocuteur, on n’a plus personne avec qui discuter, confirme Tematai Le Gayic. Et au vu de l’actualité de ce que Mediapart vient de sortir, je ne sais pas si Philippe Vigier va être reconduit et je ne sais pas si on va avoir un nouveau ministre des Outre-mer. »

 

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