Radio1 Tahiti

Tempête Xynthia: sursis pour l’ancien maire, relaxe pour tous les autres

Poitiers (AFP) – La cour d’appel de Poitiers a fortement réduit lundi les peines prononcées dans le procès qui a fait suite au passage de la tempête Xynthia, en condamnant l’ancien maire de La Faute-sur-Mer à deux ans de prison avec sursis au lieu de quatre ans ferme et en relaxant les autres prévenus, une clémence qui a provoqué la « frustration » des parties civiles.

Plus de six ans après cette violente tempête, qui avait fait 47 morts dans toute la France et 29 sur la seule commune de La Faute-sur-Mer en février 2010, la cour a estimé que René Marratier, 63 ans, condamné pour « homicides involontaires », était seul responsable du décès de ses concitoyens, en ne les informant pas des risques majeurs d’inondation. 

Cette « décision d’apaisement » pour la défense de l’ancien maire a été accueillie par les pleurs de très nombreuses parties civiles présentes dans la salle. 

« C’est ignoble, c’est ignoble, vous en faites quoi de notre émotion à nous ? On a perdu des personnes, vous en faites quoi ? », a lancé Gisèle Arnault, qui a perdu son père lors de la tempête, alors que René Marratier exprimait sur les marches du palais de justice ses « pensées » et sa « forte compassion » pour les victimes et leurs familles. 

Les parties civiles sont « très déçues, frustrées, mais elles acceptent », a déclaré Corinne Lepage, avocate de l’Avif, l’association des victimes, et de 115 des 146 parties civiles. 

« Ils ne comprennent pas très bien cette décision, en fait (…), mais ce sont des républicains et ils acceptent les décisions de justice », a-t-elle ajouté.

– ‘Punition pas assez sévère’ –

« Le message qu’on voulait avoir, c’était un message de sécurité, de prévention. Ce n’est pas le cas. (…) On laisse faire les maires, on laissera faire les maires demain pour bâtir en zone inondable. La punition n’est pas assez sévère », a estimé le président de l’Avif, Renaud Pinoit, tout en se disant satisfait de la peine d’inéligibilité prononcée à l’encontre de René Marratier. 

La cour d’appel « reconnaît l’honnêteté de M. Marratier, reconnaît le fait qu’il n’a pas voulu ces morts (…) » et « retient une responsabilité parce qu’il n’a pas compris, il n’a pas entendu les alertes qu’il a pu avoir », a soutenu Didier Seban, l’un des avocats de l’ancien maire, toujours conseiller municipal de la station balnéaire vendéenne.

L’arrêt rendu lundi est très en deçà des réquisitions du ministère public, qui avait demandé quatre ans de prison, dont deux ferme, contre René Marratier, en plus de son inéligibilité. L’avocat général Thierry Phelippeau avait également demandé des peines de prison, en partie assorties du sursis, à l’encontre des deux autres prévenus. 

René Marratier a été condamné en raison de sa mauvaise gestion du risque et des secours pour ses administrés mais la cour a décidé de le relaxer, ainsi que les autres prévenus, pour la délivrance de permis de construire en zone inondable. 

Selon l’arrêt, les élus n’ont commis « ni fautes, ni manquements », et n’étaient pas « responsables des errements des services préfectoraux ». 

Françoise Babin, l’ancienne adjointe à l’urbanisme de la commune, et son fils, Philippe Babin, tout comme deux sociétés de BTP poursuivies en tant que personnes morales, ont été relaxés. 

En première instance, Mme Babin avait été condamnée à deux ans ferme et 75.000 euros d’amende. Son fils Philippe, agent immobilier et président de la commission de surveillance de la digue, avait été condamné à 18 mois de prison ferme.

En quittant le palais de justice, René Marratier a été salué par de nombreux Fautais venus le soutenir.

Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, 29 personnes, essentiellement des personnes âgées et trois jeunes enfants, ont péri noyés après la submersion de la digue censée protéger leurs habitations, en contrebas de l’estuaire de la rivière du Lay. Les victimes ont été piégées, en pleine nuit, par une brusque montée des eaux, dans leurs maisons de plain-pied, dépourvues d’étage où se réfugier. 

La cour d’appel s’est déclarée incompétente pour statuer sur les intérêts civils: les parties civiles devront se pourvoir devant le tribunal administratif, seul compétent pour fixer les dommages et intérêts.

Le parquet a cinq jours pour se pourvoir en cassation.

© AFP MEHDI FEDOUACHL’ancien maire de la Faute-sur-Mer, René Marratier (C) entouré de ses avocats, devant la cour d’appel de Poitiers, le 4 avril 2016