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Territoriales: enseignements et perspectives

François Paul Pont © Cédric VALAX

Nous vous proposons aujourd’hui une analyse de François Paul-Pont, spécialiste en sociologie et communication politique. François Paul-Pont y décortique le premier tour de scrutin et dresse les perspectives du second tour de dimanche. Précisions que cette analyse a été réalisée juste au terme du 1er tour de scrutin. Depuis, les partis politiques ont tous confirmé qu’ils ne s’allieraient pas.

Les enseignements du 1er tour

Recul de 4 points du taux de participation par rapport à 2008 (33,4% d’abstention au regard des suffrages exprimés !) en raison peut-être de l’absence d’une offre politique radicalement différente et crédible : 8 listes avec sans projet de société et des programmes assez voisins, contre 1 liste avec un projet de société mais sans vrai programme de gouvernement. 1/3 de l’électorat s’est abstenu au 1er tour ; par sûr que la composition de la triangulaire qui leur est proposée pour le 2° tour les incitent à aller voter plus nombreux…

Globalement, c’est une nette victoire de la ligne autonomiste (75% des suffrages en cumulé) contre la ligne souverainiste défendue par l’UPMD.

Exemple de Faa’a : UPLD 41.31% / TH + ATP 46.8%

Par ailleurs, en termes de sociologie politique, on peut remarquer que les électeurs polynésiens semblent montrer qu’ils ne sont pas prêts à confier les rênes du pays à des non-professionnels de la politique, pas d’effet « Beppe Grillo ». Les 3 listes présentes au 2° tour comprennent en effet un grand nombre de vieux briscards de la politique polynésienne (c’est une des différences majeures entre ATP et Maohi Tatou par exemple, pouvant expliquer en partie leur écart de score)

Victoire incontestable du TH qui arrive en tête dans les 8 sections, ce qui confirme et prolonge son sans faute des législatives de 2012. Elle peut s’expliquer en partie par l’ampleur de la crise que connaît le Pays, qui particulièrement ressentie par les couches moyennes et les populations marginalisées, lesquelles constituent le gros de l’électorat des sections 1, 2 et 3

Recul significatif de l’UPLD, triplement sanctionné :

–       Pour la faiblesse de son bilan gouvernemental

–       Pour l’indigence de son programme de redressement de l’économie du pays

–       Pour son entêtement à focaliser toute sa campagne sur la réinscription à l’ONU, en aspirant à une confrontation frontale avec le TH au 2° tour

Avec son score de 24,09% au 1er tour, l’UPLD renoue avec ses niveaux électoraux d’avant 2004, en ne parvenant même pas cette fois-ci à mobiliser pleinement tout le noyau dur de son électorat de base (cf. la baisse de son score dans son fief de Faa’a). Il semblerait qu’il y ait des déçus au sein même de l’électorat indépendantistes…

Belle entrée en scène de ATP, alors la liste n’a été constituée qu’il y a moins de 2 mois, que ce parti n’existe que depuis 1 semaine. Toutefois l’ampleur du succès du TH ne permet pas à ATP de jouer un rôle d’arbitre le 5 mai. En outre, son bon score le met face à un choix difficile de stratégie en vue de définir sa meilleure option pour le 2° tour, où il n’est pas maître du jeu, contrairement au TH

Enfin, les 5,71% de la liste Tous Polynésiens de Teiva Manutehi peuvent être jugés décevants au regard de sa belle campagne et du succès populaire de ses meetings. Il paie sans doute là le fait que sa liste ne comportait pas de poids lourds ni de professionnels connus de la politique polynésienne, contrairement à la liste conduite par Teva Rohfritsch, avec lequel pourtant il entendait partager dans cette campagne l’apanage du renouveau des élites politiques et du changement de gouvernance

Perspectives du 2ème tour

Pour qui est un tant soit peu familier de la chose politique, le 1er tour des élections territoriales n’a pas réservé de réelle surprise, si ce n’est -peut-être- l’ampleur de l’écart (16 points et un peu plus de 20.000 voix) entre le Tahoeraa vainqueur et son second, l’UPLD (qui lui perdu quelques 20.000 voix par rapport à 2008…). Ironie des chiffres ! Notons qu’avec 51.319 voix dès le premier tour, le Tahoeraa fait à peine moins bien que les 60.000 voix du To Tatou Aia au final en 2008.

Avec une 3ème liste (A Ti’a Porinetia) à 19,92% et 25.453 voix, il était mathématiquement impossible, avec 9 listes en présence, d’avoir une 4ème liste au 2° tour. Pour le 5 mai prochain, c’est par conséquent une triangulaire qui est proposée aux électeurs, électrices de Polynésie française en guise de repas dominical. Quelles sont dès lors les perspectives les plus plausibles de ce deuxième volet de l’élection territoriale 2013 ?

On peut faire remarquer en préambule que l’augmentation du taux d’abstention (32,55%) n’est pas une hypothèse à écarter d’emblée, dans la mesure où la triangulaire qui est proposée (TH / UPLD / ATP) pourrait tout à fait être considérée comme une offre politique non satisfaisante, non seulement de la part des abstentionnistes, mais également par une partie de celles et ceux qui ont voté pour l’une ou l’autre des « petites listes » au 1er tour.

S’agissant du vote à présent, en ce qui concerne le Tahoeraa, les choses se présentent sous les meilleures auspices :

S’agissant de l’UPLD, l’avenir s’annonce nettement moins florissant. En fonction du type de campagne qu’elle va mener entre les deux tours, cet avenir pourrait même s’annoncer assez sombre, voire crépusculaire…

S’agissant enfin du jeune parti A Tia Porinetia, ses 19,92% et 25 453 voix le propulsent au 2° tour (en lui conférant de facto le statut de 3ème formation politique du pays), tout juste une semaine après le congrès fondateur de ce nouveau parti. Belle performance a priori, mais résultat « à la Pyrrhus » néanmoins.

Pour clore ce tour d’horizon du second tour des élections territoriales, rappelons que l’enjeu N°1 n’est pas d’obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés, mais juste – et au minimum- 1 voix de plus (sur l’ensemble de la circonscription) que la liste qui arrivera en seconde position, en vue de décrocher le saint Graal : la prime majoritaire de 19 sièges, garante d’une majorité stable pendant 5 ans à l’Assemblée de Polynésie. Un vrai luxe par les temps qui courent… !