Radio1 Tahiti

Tolérance en-dessous de zéro pour les affaires de drogue

©P.Bastianaggi

Les avocats du barreau de Papeete estiment souvent que le quantum des peines pour les infractions à la législation sur les stupéfiants est nettement plus élevé en Polynésie que dans l’hexagone. Avec l’arrivée récente de nouveaux magistrats au parquet de Papeete, il semble bien que ce ne soit pas près de changer, comme l’a montré l’audience de la cour d’appel ce jeudi.

La nouvelle Procureure de la République, Solène Belaouar, avait prévenu, le trafic des stupéfiants et les violences intra-familiales font partie de ses priorités. Des priorités qui sont prises au pied de la lettre par les nouveaux magistrats. Pour exemple, deux affaires ce jeudi en cour d’appel où officiait, en tant qu’avocate générale, la substitute générale  qui connait bien le monde du trafic de stupéfiants et les maux qui l’accompagnent : elle était vice-Procureure de la République à Marseille.

Les deux affaires traitées ce matin par la cour d’appel, loin d’être exceptionnelles, montrent que le temps où le parquet pouvait éventuellement faire preuve de mansuétude en requérant des peines plus légères pour certains prévenus, vu leur situation familiale ou sanitaire, semble terminé. Le message est « assumez et réfléchissez aux conséquences de vos actes.»

La « gravité des faits » au premier plan, même pour ce veuf père de 7 enfants

Le premier prévenu, actuellement en détention, a été condamné récemment à quatre ans de prison ferme pour avoir été à la tête d’un réseau de revendeurs d’ice et de paka. Il a 51 ans et en paraît vingt de plus. Et pour cause, il est atteint de deux cancers. Son épouse est décédée il y a un mois, laissant sept enfants, tous mineurs. S’il fait appel, c’est pour que le tribunal allège sa peine au regard de sa maladie et de sa situation familiale. Et aussi de son implication dans le réseau qu’il assure être minime, n’étant « qu’un consommateur ». Ce que les écoutes téléphoniques ont démenti ainsi que ses associés dans ce trafic juteux.

« Cette peine est juste au regard de la gravité des faits » assure l’avocate générale qui explique, « le trafic de drogue a des conséquences dramatiques sur la santé des consommateurs et sur l’ordre public avec les violences qu’il engendre. » Relevant que la base logistique du trafic était le domicile du prévenu, là où vivent ses enfants qui assistaient au conditionnement de la drogue et aussi aux transactions, elle explique, « la peine prend cela en compte et je demande la confirmation des quatre années de prison ainsi que le maintien en détention. » Toutefois, « compte tenu de la situation familiale, je ne demande pas d’amende. » Le délibéré sera rendu le 19 octobre.

Du poppers « pour cirer les bottes »

Autre affaire en appel, mais cette fois, c’est le parquet qui en est à l’origine. Celle d’un homme de 47 ans qui, en juillet 2022, avait été reconnu coupable d’avoir incité quatre mineures à consommer de l’alcool, du paka et du poppers lors de fêtes à son domicile, photos et vidéos à l’appui. Il avait écopé d’une peine de deux ans de prison dont un avec sursis, alors qu’il avait été requis contre lui trois ans dont un avec sursis avec un mandat de dépôt. Depuis, il avait été placé sous contrôle judiciaire.

Maigre et le souffle court, il a la nonchalance et l’air bravache de celui qui a des problèmes bien plus importants qu’une convocation au tribunal pour la révision de sa condamnation. À sa décharge, il en a. Il a subi une ablation d’un poumon à la suite d’une erreur médicale, et n’a plus que 39% de capacité respiratoire. Suivi par une armada de spécialistes en tout genre, il est sous le régime de la Cotorep, ses médecins lui déconseillent de quitter son domicile, et il ingurgite quotidiennement une vingtaine de cachets.

Sur les faits qui lui sont reprochés, il minimise. Le poppers, il ne savait pas ce que c’était et l’utilisait pour cirer ses bottes. Le kilo de cannabis retrouvé chez lui, c’était pour le transformer en huile pour se soigner. Quant aux mineures, il ne les connaissait pas, d’ailleurs il y avait à chacune de ses fêtes près d’une centaine de personnes invitées et « les mineures ont dû être invitées par quelqu’un, en tout cas ce n’est pas par moi, je suis gay. » Enfin il avance l’hypothèse d’un complot contre lui car il était sur une liste Tavini aux municipales, et « ça devait déranger quelqu’un. »

Une peine requise plus forte qu’en première instance

Pour l’avocate générale, les faits sont établis et il y a un décalage entre ceux-ci et la peine prononcée en première instance. Rappelant les dangers de la consommation du cannabis chez les adolescents, elle pointe « sa nonchalance et son absence de remise en question. » Elle réclame trois ans de prison dont six mois avec sursis, assortis d’un mandat de dépôt. Le délibéré sera rendu le 19 octobre.