Après trois jours de visite au fenua, le président du comité Paris 2024 se dit plus que jamais « confiant » dans l’organisation de l’épreuve de surf des prochains Jeux olympiques à Teahupo’o. Touché par l’engagement du pays dans ce projet, il dit vouloir encourager le fenua à faire briller sa culture à l’occasion des JO, et assure que le comité parisien préfère accompagner qu’imposer sur les modalités d’organisation.
« C’est pas un ministre, mais presque ». Du côté du Pays, on le dit en riant, mais le fait est que la venue de Tony Estanguet au fenua, entamée jeudi soir, a tout des visites des officiels du plus haut niveau de l’État. À commencer par le programme très chargé que le triple champion olympique déroule sans sourciller. Rencontres institutionnelles, à la présidence, au Haussariat ou à Tairapu, discussions sportives avec la WSL, les athlètes locaux ou les techniciens du pays, ou encore visites de sites, de la tour des juges de Teahupo’o à To’ata en passant par Puunui… Pour le président du comité d’organisation Paris 2024, l’objectif de la visite est de faire en sorte que « la Polynésie tire le maximum » de cette épreuve, la seule entièrement organisée en dehors de la région parisienne. Le fenua est même, au passage, le site de jeux le plus décentralisé de l’histoire olympique.
« Cette visite ne fait que renforcer ma conviction »
Tony Estanguet ne le cache pas : tout le monde, en France, n’a pas digéré le choix de Tahiti et Teahupo’o. « Ça n’a pas été une décision facile, c’est à l’autre bout de la planète, ça peut surprendre », concède-t-il. Mais avec son comité, il s’accroche, et répétait encore hier, dans les médias nationaux sa « fierté » de voir le fenua s’emparer de ce projet. « Je n’ai jamais douté parce qu’on l’a fait pour de bonnes raisons », précise-t-il. Des raisons sportives – Teahupo’o, à cette période de l’année, « c’est la meilleure vague qui soit », les prochains jours à la Tahiti Pro devraient le confirmer – et des raisons extra-sportives – faire briller « tous les territoires » de France, et mettre en valeur le caractère exceptionnel de la culture polynésienne. « J’ai toujours été convaincu et ma présence ici ne fait que renforcer cette conviction, appuie le responsable qui a été étonné par le niveau d’engagement du fenua dans ce projet. La Polynésie a beaucoup à apporter à ces jeux ».
« L’organisation des Jeux, c’est un sport collectif »
Dans le sens inverse, les Jeux ont aussi beaucoup à apporter au fenua, précise-t-il. En termes de retombées médiatiques, bien sûr – « les JO, c’est le plus grand évènement sportif de la planète » – mais aussi en termes de développement local du sport. « Réussir les jeux, c’est offrir une compétition spectaculaire, mais aussi, au travers des projets d’animation, réussir à faire faire du sport au plus grand nombre », reprend le canoéiste. Paris 2024 va « donner l’impulsion » et « accompagner » mais Tony Estanguet observe déjà beaucoup d’autres acteurs – Pays, État, fédés locales et nationales, clubs… – se mobiliser. Logique, « l’organisation des Jeux Olympiques, c’est un sport collectif » rappelle-t-il, et ces jeux ont pour « signature » l’ouverture. « Ouvrons grand les jeux », c’est effectivement le slogan officiel, et cela implique de « donner une place à tous ceux qui ont envie de s’impliquer, qui ont la passion du sport, ou envie de montrer la fierté et les atouts de leur territoire ». Programme des volontaires, programme Terre de Jeux 2024, qui va concerner plusieurs communes de Tahiti, Club Paris 2024… « N’hésitez pas à vous engager », insiste le président du comité.
Un mois et demi pour « stabiliser le projet »
Reste que, de Papeete à Paris, certains ont douté, ces dernières semaines de Teahupo’o 2024. Du côté du Pays, où le projet a été réévalué à l’aune des nouvelles réalités économiques. « Les jeux olympiques ne sont pas hors-sol, et ils doivent s’adapter au contexte commente le responsable. S’il faut réduire la voilure, on réduit la voilure ». Mais du côté du comité, aussi, on a eu ses doutes : comme l’avait souligné le journal L’Équipe, le manque d’avancée des travaux à la Presqu’île a inquiété dans le courant du mois de juillet. Après quatre jours de visite, Tony Estanguet se dit rassuré, mais insiste pour que les choses se mettent « en mouvement ». « On est bien dans les temps, mais c’est vrai que l’objet de ma présence ici est d’aider à stabiliser le projet », explique le triple champion olympique à la veille de la signature des conventions d’organisation avec Édouard Fritch. Le comité et le Pays doivent à cette occasion s’engager sur un calendrier : après les phases de concertations – « il fallait prendre du temps pour être à l’écoute des inquiétudes et des priorités », convient Tony Estanguet – il s’agit de finaliser « la copie », et donc le programme des travaux « d’ici le mois d’octobre ».
Côté chantier, « on imposera rien » assure le président du comité. Bien entendu, des installations, au moins temporaires, devront être montées à Teahupo’o pour accueillir et surtout médiatiser l’évènement, mais « la population est mieux placée que n’importe qui » pour juger du bon et du mauvais. « Si un héritage est laissé, il faut que ce soit un héritage positif », précise Tony Estanguet qui insiste sur la « position d’humilité » du comité.
La réfection de l’hôtel Puunui ? « Il y a du boulot » mais le projet « fait sens », et Paris 2024 pourra « accompagner ». L’aménagement du site de compétition ? Pas de tribune flottante ou de grandes constructions, comme certains l’avaient évoqué un temps : « On est sur une organisation comparable à celle de la Tahiti Pro, explique-t-il. Il y a une expertise qui a été développée, il faut s’y fier ». Pascal Luciani, collaborateur régulier de la WSL a d’ailleurs intégré le petit bureau du comité olympique qui s’est tout récemment monté à Tahiti. Quant à la période de compétition, qui avait un peu inquiété les surfeurs locaux par sa brièveté, Tony Estanguet assure que là aussi, le format se rapprochera de la compétition WSL : une fenêtre de huit jours, dont quatre de compétition. Il faudra, dans cette période qui s’étalera entre la fin juillet 2024 et le tout début du mois d’août, trouver des conditions qui permettent d’allier « sécurité et spectacle ». Un impératif car le comité ne prévoit pas de plan de repli : les Jeux, ce sera à Teahupo’o et pas ailleurs.