ACTUS LOCALESPOLITIQUE

Tony Géros : la France « ne pourra plus s’effacer du débat sur la décolonisation »


Le Tavana de Paea et candidat Tavini aux territoriales était l’invité du Quart d’heure de campagne, ce matin. À l’entendre, le Tavini a le vent en poupe, mais il appelle ses militants et colistiers, à ne pas « vendre la peau de l’ours », ou se promettre des postes avant d’avoir gagné. Côté programme, le tavana de Paea défend le plan mobilité des bleu ciel, qui passe entre autres par la construction d’un tram, d’un monorail ou de transport en commun suspendu. Il promeut aussi des changements profonds dans l’éducation avec le reo tahiti qui deviendrait à terme une langue d’enseignement à part entière. Et assure qu’une victoire des indépendantistes ramènera Paris à la table des discussions à l’ONU.

« Les ardeurs du congrès sont passées ». C’est ce qu’assure Tony Géros, plus deux semaines après le Congrès du parti au Motu Ovini. À la tribune, le tavana, voyant les esprits s’échauffer autour de l’annonce de la candidature inattendue de Moetai Brotherson à la présidence du Pays, et prévoyant les polémiques sur les places sur la liste qui ont touché jusqu’aux cadres du parti, avait lancé un appel « à l’union » des militants. Un appel qui a semble-t-il pris du temps à être entendu. Mais la tête de liste du Tavini dans la deuxième section, qui couvre l’essentiel de Tahiti, dont sa commune de Paea, assure aujourd’hui que « tout le monde au Tavini s’unit autour de la même cause : gagner le 16 avril et éventuellement le 30 ». Plutôt que les guerres de clans, l’ancien vice-président préfère voir « l’entrain observable sur le terrain » pour le parti indépendantiste, qui « a le vent en poupe » ces derniers mois. Ce qui ne l’interdit de rester « sur la réserve » concernant l’issue du scrutin : « en politique, on ne peut jamais présager du résultat », dit-il. Certains, au sein du Tavini, se sont un peu écartés de cette prudence et des « traditions » du parti, comme le pointe le militant « de l’ancienne génération », « un peu interloqué » par l’empressement de candidats plus jeunes à parler de distribution de postes avant l’heure :

Côté programme, le Tavini a déjà eu l’occasion de développer ses propositions en matière de logement, de tourisme, ou de pouvoir d’achat. Des sujets parmi les plus débattus de cette campagne, comme la mobilité, sujet qui concerne tout particulièrement les habitants de Tahiti. « Il faut guérir le mal là où il se trouve », insiste le tavana de Paea, qui s’est déjà opposé au projet de route du Sud : le problème réside dans l’agglomération de Papeete qui doit se doter d’un « système de transport plus adapté ».

Tram à hydrogène, monorail, ou tram suspendu

De ce côté-là, les bleus ciel veulent, comme d’autres, réduire l’utilisation des véhicules individuels, promouvoir le covoiturage, accélérer la décentralisation en « développant le nouveau pôle urbain de la Presqu’île dont on parle depuis 40 ans », ou favoriser le travail et les services à distance… Mais le parti reste plus flou sur la partie infrastructures. Il s’agirait quoiqu’il arrive de « limiter l’usage des grands bus » dont les arrêts entravent la circulation, « à la zone districtale », jusqu’à Punaruu et Arue, par exemple. Et pour l’agglomération de Papeete, lancer une « transition dans l’innovation » mais sans « réinventer la roue ». Tony Géros préconise, avant de lancer un  grand chantier de « transport en commun en site propre » – gratuit et fonctionnant à l’hydrogène d’après le programme – « d’aller voir ce qui se passe ailleurs » : les tramways qui sillonnent les grandes villes de France, mais aussi « les monorails ou des trams suspendus », qui peuvent s’affranchir des voies existantes. Pas de précision sur le budget ou le calendrier : il faut s’accorder « sur le modèle le plus approprié et qui va poser le moins de problèmes environnementaux ».

Le programme du Tavini promeut une autre révolution, côté éducation. Au premier rang du programme présenté par Moetai Brotherson lors du congrès du 18 mars, l’idée de mieux éduquer les jeunes du pays sur « l’histoire, la géographie, la culture polynésiennes » pour « renforcer l’identité et la compréhension de l’héritage culturel » du fenua « tout en permettant de partager cette richesse avec le monde entier ». Concrètement, il s’agit de mieux intégrer les légendes, généalogies, ou savoir-faire traditionnels, faire un focus plus particulier sur l’histoire et la géographie locales et régionales, et mettre en avant la langue.

Éducation : « Si vous allez au Japon tout est fait en Japonais, pourquoi pas en Polynésie, tout en langue ma’ohi ? »

Le reo, obligatoire jusqu’en terminale, deviendrait à terme une langue d’enseignement des autres matières, avec la généralisation des écoles multilingues. « Si vous allez au Japon tout est fait en Japonais, pourquoi pas en Polynésie, tout en langue ma’ohi ? » interroge l’ancien président de l’assemblée, qui fait aussi référence aux écoles Diwan en Bretagne. Là encore pas réellement de calendrier pour l’introduction de cette « éducation immersive », suspendue aux possibilités de formation des enseignants mais aussi aux discussions avec l’État, principal financeur de l’enseignement en Polynésie. « Ce sujet qui doit être introduit dans le cadre du dialogue sur la décolonisation, précise Tony Géros. La France doit nous accompagner dans notre futur et elle doit apporter sa pierre à la mise en place de tous ces pans de citoyenneté et d’identité qui font défaut aujourd’hui ».  

Ce dialogue sur la décolonisation est un sujet sur lequel les discours ont tendance à varier au Tavini, en tout cas en ce qui concerne le rythme d’accession à la souveraineté. « Nous notre démarche, une démarche onusienne » rappelle Tony Géros, en précisant que celle de la Nouvelle-Calédonie a été « un peu dévoyée » par les accords de Nouméa et Matignon. Et cette démarche de décolonisation, « qui aurait dû redémarrer à la réinscription », en 2013 devrait être relancée, justement par le retour au pouvoir du Tavini. « On va retrouver une crédibilité démocratique, pour dire les choses comme ça et la France ne pourra plus s’effacer de ce débat. Et c’est à ce moment qu’on pourra construire véritablement la réflexion d’accession de ce pays à la souveraineté ».

Promis d’après Moetai Brotherson à retrouver la tête de l’assemblée de Polynésie française – où il avait notamment défrayé la chronique en accrochant un crucifix dans l’hémicycle en 2004 – Tony Géros répète « ne pas vouloir envisager les choses comme ça ». « Quand on gagnera ces élections, on saura que l’ours est mort » insiste-t-il. Même si certains ont déjà commencé à négocier sa peau.

Quart d’heure de campagne, tous les matins à 8 heures sur TiareFM et Radio1Tous les matins à 8 heures jusqu’au premier tour, le « Quart d’heure de campagne » donne la parole, en direct sur TiareFm, Radio1 et notre page facebook, à un des candidats des sept listes engagées dans ces territoriales. Propositions, réactions, stratégie et alliances… De quoi vous faire votre opinion pour les scrutins 16 et 30 avril. Le programme :

  • Lundi 3 avril :                  Melody Teariki – Heiura-Les Verts
  • Mardi 4 avril :                  Tony Géros – Tavini Huiraatira
  • Mercredi 5 avril :             Simplicio Lissant – Tapura Huiraatira
  • Jeudi 6 avril :                   Nicole Sanquer – A here ia Porinetia
  • Mardi 11 avril :                 Nicole Bouteau – Ia ora te Nuna’a
  • Mercredi 12 avril :           Vatea Heller – Hau Maohi
  • Jeudi 13 avril :                  Pascale Haiti – Amuitahira’a o te Nuna’a Maohi

Toute l’actualité des territoriales est à suivre sur radio1.pf et sur les ondes de Radio1 et TiareFM.

Article précedent

De l'onglerie à la crêperie, Rava réalise ses rêves

Article suivant

Règlement de comptes à Bora Bora : la DPDJ veut apaiser les esprits

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Tony Géros : la France « ne pourra plus s’effacer du débat sur la décolonisation »