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Toulousains, corses, étrangers… discriminés parce qu’ils ont un accent

© FRED DUFOUR / AFP

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Dans son ouvrage « Discriminations : combattre la glottophobie », le sociolinguiste Philippe Blanchet en appelle à « désacraliser » le « français parfait ».

Avoir un accent ou un français « non conforme » peut parfois s’avérer discriminant en France. Exclusion de certains métiers, fermeture des portes de certains concours, mise à l’écart sur les bancs de l’école… Avoir un accent chti’, basque, espagnol, maghrébin et même « banlieusard » ou « paysan » peut entraîner des situations douloureuses, selon le sociolinguiste Philippe Blanchet. Son livre « Discriminations : combattre la glottophobie (édition textuel) », comprendre, la « peur des langues », vient de paraître. L’ouvrage, très engagé, en appelle à « désacraliser » le mythe d’un français « parfait » et imposable à tout le monde. Derrière cette prise de position bien tranchée, l’auteur s’emploie à attirer l’attention sur les conséquences d’une telle « discrimination ». Exemples à l’appui.

Sur les bancs de l’école. C’est peut-être là où le bât blesse le plus. Le livre relate les témoignages de plusieurs élèves à fort accent qui, après un déménagement par exemple, se retrouvent moqués par leur camarade dans leur nouvel établissement, et même « discriminés » par les enseignants. C’est le cas de cet élève « du Midi » cité par le livre, qui ne précise pas le lieu de l’établissement : « le cours débute et je me retrouve à faire la lecture pour la classe […] Le prof m’arrête en plein milieu d’une phrase et me demande de reprendre. Ce que je fais et elle m’interrompt de nouveau au même endroit en me signifiant cette fois-ci que ma prononciation du mot ‘amoureuse’ n’est pas la bonne. Suite à quoi elle m’a fait répéter cinq ou six fois pour que je le prononce de la même façon qu’elle. Tout ça pour une question d’accent. Je n’ai plus osé ouvrir la bouche dans son cours ».

« Mon accent marseillais était assez prononcé […]. J’ai dû m’adapter aux moqueries de la part des élèves mais aussi de la part des professeurs qui me faisaient répéter sans arrêt tout ce que je disais », regrette encore une « Camargaise » qui a dû déménager dans le Var. « Certains me disaient que je ne parlais pas le français correctement, que mon ancien collège ne m’avait pas appris les bons mots […] Je me suis sentie humiliée et rabaissée mais surtout sous-estimée », poursuit encore cette élève.

Et cela semble pire encore pour les accents maghrébins et africains. Le livre raconte ainsi l’histoire d’un petit garçon de primaire, Ahmed, que l’institutrice oblige à prononcer son prénom à la française, sans prononcé le « h ». « En France, on ne prononce pas les ‘h’. Tu t’appelles Amed. Répète ton nom. Amed », aurait insisté l’enseignante, avant que l’enfant se mette à « pleurer ».

Dans l’enseignement supérieur. Dans l’ouvrage, le corps éducatif en prend particulièrement pour son grade, accusé d’appliquer des « dogmes ». Et cela vaut aussi dans l’enseignement supérieur, voire dans l’accès même au professorat. « Je ne me souviens plus des mots exacts. Mais l’enseignante m’a fait comprendre en se moquant que ce n’était pas acceptable d’avoir cet accent pour passer les concours des grandes écoles que l’on préparait, telles que l’ENS (Ecole normale supérieure) », témoigne encore un autre élève cité dans l’ouvrage.

Au-delà la question des accents, le livre dénonce une sacralisation du « français parfait », parfois même jusqu’à l’extrême. Ainsi cite-t-il l’exemple d’un futur enseignant de langue Corse. Celui-ci avait obtenu le Capes et était prêt à enseigner sa langue régionale en « option » dans un établissement de l’Île de Beauté. Mais cela a failli ne pas se faire car… il parlait corse sur sa messagerie de téléphone. « Une fonctionnaire du ministère de l’Education nationale lui a laissé un message lui disant uniquement : ‘je vous enverrai vos papiers de titularisation lorsque vous aurez changé de langue sur votre répondeur' ». Il ne l’a pas fait, mais a été obligé de rappeler pour obtenir ses papiers, qui auraient dû lui être envoyés automatiquement.

Pour trouver un appartement. Le livre raconte aussi, brièvement, l’histoire d’une étudiante mexicaine avec un fort accent espagnol. Celle-ci essaie désespérément de trouver un appartement à louer à Rennes. Au téléphone, les propriétaires lui demandent d’où elle vient ou lui raccrochent au nez. Finalement, au bout d’un mois et demi, désespérée, elle demande à un ami Français d’appeler et elle trouve un appartement.

Dans le milieu professionnel. Ce type de « discrimination » semble également à l’œuvre dans certaines professions. L’ouvrage en cite notamment une : les médias. Les télévisions et les radios auraient ainsi tendance, à en croire l’auteur, qui cite le journaliste Emmanuel Schwartzenberg, « à écarter de l’antenne les journalistes comme les animateurs qui ont un accent ». Même les présentateurs de certaines antennes locales « savent qu’ils n’ont aucune chance de mener une carrière s’ils font entendre leur terroir ». L’auteur évoque même l’histoire d’un candidat au casting de Plus belle la vie, une série de France 3 dont l’histoire se déroule à Marseille, qui se serait fait recalé car il avait trop l’accent… marseillais.

Cette « discrimination » ne concerne d’ailleurs pas que les médias. En témoigne le témoignage d’une auditrice d’Europe 1, jeudi midi, à l’accent toulousain prononcé. « J’ai passé un entretien d’embauche pour travailler dans une agence d’évènementiel à Paris. On m’a dit que mon accent faisait trop ‘provincial’. On m’a fait prendre des courts de diction, lire des articles pour corriger mon accent toulousain. J’avais l’impression de parler comme une débile », raconte-t-elle. Et de poursuivre : « à l’heure actuelle, ça ne me pose plus de problème. Je travaille à Toulouse. Mais dans les réunions nationales, je n’ai pas toujours l’impression que l’on me prend au sérieux ».

Les études sur le sujet sont rares, d’où l’intérêt de l’ouvrage. Il confirme un certain nombre de témoignages passé et quelques autres enquêtes, plus partielles. Selon un sondage TNS-Sofres de 2003, par exemple, sur « les discriminations sur l’apparence dans la vie professionnelle et sociale », 44% des Français estiment que « la façon de parler, l’accent » peut faire pencher un employeur devant de candidats au CV identique.

Source : Europe1

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