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Tout est bon dans le cochon : le procès des vols à la Charcuterie du Pacifique

Illustration©DR

Treize hommes étaient jugés ce matin pour avoir participé à un vaste trafic de cochons au préjudice de la Charcuterie du Pacifique. Des centaines de carcasses ont été détournées pendant au moins six ans, par des livreurs des abattoirs et les employés de la société. Ils étaient ensuite revendus à prix cassés. Les quatre principaux protagonistes ont ainsi accumulé des dizaines de millions. Le délibéré est attendu le 10 décembre.

Au moins six années de trafic, de 2012 à 2018, et autant de temps pour instruire et juger l’affaire. Ce vendredi, le tribunal se penchait sur le cas de 13 hommes, tous insérés dans la société et jusqu’alors peu connus de la justice, mis en cause à des degrés divers pour leur participation à un trafic de carcasses de porcs. C’est bien connu, tout est bon dans le cochon, surtout quand ça rapporte des millions.

La justice à retenu l’année 2012 comme point de départ de ces vols en réunion, association de malfaiteurs et recel dont sont accusés les prévenus. D’après les auditions et certains témoignages, l’affaire aurait débuté beaucoup plus tôt : en 2010 selon certains, depuis 2005 à en croire le directeur de la société. Cette affaire, c’est surtout celle de deux bouchers de la Charcuterie du Pacifique et de deux livreurs de carcasses tout droit sorties des abattoirs.

Jusqu’à 24 porcs par semaine

Le groupe flaire l’argent facile, le procédé est simple : à leur arrivée à la Charcuterie, les livreurs ne déchargent qu’une partie de la cargaison. Certaines carcasses sont « oubliées » dans le camion frigorifique. Leurs complices bouchers ferment les yeux et déclarent ensuite avoir réceptionné la totalité de la commande sur le logiciel de l’entreprise. La part réellement déchargée est alors envoyée en transformation, aussi rapidement qu’il le faut pour éviter des vérifications.

Les carcasses non livrées sont ensuite acheminées au domicile des deux livreurs, ou directement dans des points de revente au noir, où la viande s’écoule trois fois moins cher que sur le marché. Aidés par un receleur chargé de coordonner les ventes, et des clients peu regardants, ils mettent ainsi au point un véritable marché parallèle. D’une à deux carcasses dérobées par semaine, le trafic monte jusqu’à 24 porcs hebdomadaires. Ils sont récupérés dans une servitude de Mahina ou aux abords du Stade Ganivet par des tiers, certains pour en faire des barquettes, d’autres même pour vendre des repas au profit de leur paroisse. Certains assument avoir eu connaissance de l’origine frauduleuse de la viande, d’autre moins, ils évoquent des doutes, mais confessent avoir fermé les yeux face à ces tarifs défiant toute concurrence.

Des dizaines de millions vite dilapidés

Au fil du temps, les deux livreurs montent une fraude parallèle, en déchargeant directement une partie de la cargaison sur le chemin entre l’abattoir de Papara et la charcuterie installée à Mahina. Ils profitent du réseau de clients accumulés jusque là, et font grimper le prix. Curieusement, la direction de la Charcuterie du Pacifique ne s’aperçoit de rien pendant des années. L’affaire serait pourtant bien connue parmi les employés. Le temps passe, les commandes affluent et les quatre principaux protagonistes se constituent un joli pactole : 23 à 55 millions chacun en six ans. « J’ai payé mes factures, j’ai fait la fête… », explique l’ancien chef boucher, seul des deux anciens employés à comparaître, l’autre habitant en métropole. Les livreurs eux ont tout flambé aussi. L’un dans des voitures, des bringues, des voyages et les jeux de carte, l’autre dans les combats de coq. « J’ai aussi donné à ceux qui étaient dans le besoin », plaide l’un des mis en cause.

De plus en plus soupçonneux au vu des quantité manquantes, las d’être pris pour un jambon, le directeur de l’entreprise met finalement fin au trafic en 2018. Il dépose plainte, avec un joli dossier sous le coude, fruit d’une rigoureuse, mais tardive, surveillance interne. Les forces de l’ordre déploient alors un vaste dispositif pour appréhender les voleurs et les receleurs en plein flagrant délit. Six ans après leur première garde à vue, ils devront maintenant attendre le délibéré pour connaître leur sort. Celui-ci sera rendu le 10 décembre. Le procureur a requis des peines de trois ans de prison, dont un avec sursis probatoire de deux ans et une amende de deux millions à l’encontre de l’ancien chef boucher et des deux livreurs, deux ans ferme dont un an avec sursis pour le second boucher, et des peines plus légères pour les receleurs, entre 18 mois et un an avec sursis. Il a également requis l’indemnisation de l’entreprise.