Véhicules plus petits et moins gourmands, limitation des trajets, compteurs électriques intelligents et bâtiments plus écolo… Parmi les fils rouges du livre blanc sur la transition énergétique, qui dresse le bilan des assises du 10 mai, l’idée que le fenua doit limiter sa consommation d’énergie, ou du moins l’optimiser.
Prix des hydrocarbures qui explosent, tensions sur les approvisionnements, rapports du Giec toujours plus alarmants… La Polynésie n’a « plus le choix », avaient insisté Édouard Fritch et son ministre des Finances et de l’Énergie, Yvonnick Raffin, le 10 mai dernier. Devant la centaine de participants aux assises de la transition énergétique, ils avaient affirmé leur volonté de « poser les jalons d’une politique de souveraineté énergétique ». Avait suivi une session d’échanges entre acteurs publics et privés afin de trouver des « solutions concrètes » pour réaliser une transition énergétique envisagée depuis près de deux décennies, avec pour l’instant des résultats plutôt maigres. La synthèse de ces assises a été présentée ce vendredi matin, à la CCISM, sous la forme d’un livre blanc. « Constats », d’un côté, « leviers d’actions », de l’autre, les autorités l’assurent, les échanges ont été fructueux et vont permettre « d’aller plus vite et plus loin dans nos actions »… Qui restent toutefois en phase de « co-construction ».
Former à la réduction des dépenses énergétiques
Les 40 propositions du livre blanc balaient tous les aspects de la transition, de l’intégration du renouvelable sur le réseau électrique aux clauses environnementales dans les marchés publics en passant par le financement participatifs de projets innovants. Toutes les idées ne sont pas neuves – le document pousse encore une fois, côté transports en commun, vers des tramway, câbles ou même monorails – mais ils résultent cette fois de volonté partagée entre les entreprises, les communes, associations et autres institutions. Et dans chaque thématique, un fil rouge semble apparaître : la sobriété. Car quelle que soit la manière de produire l’énergie, les hausses de prix ou les problèmes de foncier incitent à limiter sa consommation. Par plusieurs biais : incitation à l’usage de « véhicules légers » et au « changement de motorisation », télétravail, covoiturage et administrations déconcentrées pour limiter les trajets, améliorations des capacités techniques sur l’énergie dans le public mais aussi du côté des entreprises, qui représentent la moitié de la consommation électrique du pays, compteurs intelligents chez tous les consommateurs, et bien sûr promotion de matériaux et de conception plus écologiques dans le BTP… « Que ce soit la manière dont on se déplace, la manière dont consomme de l’électricité ou n’importe quel type d’énergie, il faut qu’on accompagne, qu’on forme qu’on éduque à la sobriété », explique Olivier Delestre conseiller technique qui représentait le ministère de l’Énergie ce matin. À l’entendre, « il n’y pas de monopole de l’action climatique : tous les acteurs qui ont la possibilité de le faire doivent participer« .
Valoriser les émissions carbone pour les faire baisser
Une sobriété qui n’est pas synonyme de décroissance pour les entreprises : « Il s’agit surtout d’optimiser, d’être innovant, pointe Frédéric Dock, le président du Medef. Quand RTE (Réseau de transport d’électricité de France, ndr) a fait ses projections à 2030, 2040 et 2050 ils ont intégré une réduction de la consommation finale d’énergie de 40 %, mais pour des usages équivalents. La clé, ce sont des systèmes plus performants ». L’organisation patronale partage aussi avec le gouvernement et certaines associations l’idée que pour « réduire le carbone, il faut le valoriser ». « Les enjeux environnementaux sont énormes, sont bien posés, connus, mais derrière ça il y a les enjeux économiques, explique Frédéric Dock. Et quand on parle de ça, on parle de mécanisme de financement, notamment en ce qui concerne l’économie – pour ne pas dire le marché – des émissions carbone. L’idée de ce travail c’est de voir quel est le modèle de valorisation du carbone qui peut nous servir à financer la transition au rythme qu’on s’est fixé ».
La volonté politique, enfin ?
Et ce rythme, justement, inquiète. Côté associatif on s’étonne que sept ans après l’adoption de l’accord de Paris, qui pousse théoriquement la Polynésie a baisser de 50% son empreinte carbone d’ici à 2030, « on en soit encore à faire des diagnostics et à citer des objectifs ». Pendant la présentation, le militant écologiste Jason Man demande ainsi au Pays une réflexion « plus large », et surtout plus « ambitieuse » sur les émissions de gaz à effet de serre. Il n’est pas le seul à reprocher aux autorités leur manque d’engagement sur le sujet. Toutes les tables rondes ont pointé que c’était avant tout le manque de volonté politique qui a freiné la transition énergétique ces dernières années.
Le ministère l’assure, la volonté est désormais bien là. Mais pas question de lancer les grands chantiers sans une feuille de route bien cadrée. Si ce livre blanc doit alimenter la réflexion, elle est loin d’être terminée : une programmation pluriannuelle de l’énergie doit être présentée d’ici quelques semaines et surtout, l’élaboration du Plan climat de la Polynésie – remplaçant « plus ambitieux » du plan climat-énergie, et qui doit courir jusqu’en 2030 – sera lancée début juillet. Diagnostic, état des lieux des politiques publiques, définition de la stratégie et du plan d’action… La démarche d’élaboration s’étalera sur plusieurs mois. Nécessaire, insiste le gouvernement. « On se revoit dans 10 ans », ironise un professionnel.