Brest (AFP) – Héros des temps modernes et de la mer, Francis Joyon (Idec Sport) doit boucler jeudi au petit matin son tour du monde à la voile en seulement 40 jours soit un record absolu, avec un petit équipage.
Parti le 16 décembre au large d’Ouessant, Joyon et ses cinq équipiers devraient améliorer de cinq jours le record du Trophée Jules Verne, une épreuve lancée en 1993 en référence au célèbre roman, le Tour du monde en 80 jours, dont le héros est Phileas Fogg.
Joyon détrônera, à sa 3e tentative, Loïck Peyron qui, en janvier 2012 à bord de Banque Populaire V (40 m) et avec 12 équipiers, avait conclu en 45 jours 13 heures 42 minutes.
40 jours ! Aucun marin n’aura jamais tourné aussi vite autour de la planète d’une seule traite, même si ces dernières semaines, la course au large n’a cessé de faire parler d’elle à coups de records, portée par un bon enchaînement météo, des bateaux performants et des marins d’exception.
Il y a d’abord eu Thomas Coville le 25 décembre, qui s’est emparé du record du tour du monde mais en solitaire, soit 49 jours 13 h 34 min et qui appartenait depuis 8 ans à… Francis Joyon !
Et puis il y a eu le record établi par Armel Le Cléac’h le 19 janvier en solo sur le Vendée Globe (74 j 03 h 35 lin avec Banque Populaire VIII), donc en mode course, face à des concurrents, et pas en mode tentative de record.
– ‘A la force du vent’ –
Joyon, lui, est un homme de records. Et celui que ce marin timide à la carrure impressionnante n’a jamais réussi à enlever est celui du Trophée Jules Verne. Le concept est simple: une course autour du monde sans assistance externe, créée il y a 25 ans par Titouan Lamazou et Florence Arthaud, décédée tragiquement lors d’un accident d’hélicoptère dans un jeu télévisé le 9 mars 2015.
« On était des marins libertaires qui voulions barrer des grands voiliers quand à cette époque la norme des navires était limitée à 18 mètres, raconte Lamazou à l’AFP. On rêvait d’une course entièrement libre, à la force du vent. »
Pour seules contraintes: être membre de l’association ‘Tour du Monde en 80 jours’ moyennant 30.000 euros, une inscription pour chaque tentative (12.000 euros), un départ sur une ligne reliant le phare de Créac’h sur l’île d’Ouessant et le Phare du Cap Lizard, puis faire le tour du monde, sur n’importe quel bateau, en laissant à bâbord le Cap de Bonne Espérance, le Cap Leeuwin et le Cap Horn et revenir au point de départ.
Avoir un ou des équipiers n’est pas obligatoire et si la tentative se fait en équipage, le nombre de personne à bord n’est pas restreint. Mais on avance bien plus vite à plusieurs que seul.
– A 6 sur 31 mètres –
Joyon, âgé de 60 ans, a préféré être accompagné de seulement cinq marins: Sébastien Audigane, Clément Surtel, Gwénolé Gahinet, Alex Pella et Bernard Stamm. Un choix judicieux quand on sait qu’au cours de leur périple ils ont déjà signé cinq records de temps de passage: au cap Leeuwin, en Tasmanie, à l’antiméridien, au cap Horn et à l’Equateur (retour).
D’autant qu’ils ont entre les mains un bateau, certes qui a dix ans, mais façonné pour les records.
Idec Sport, deuxième du nom, est un maxi-trimaran de 31,5 m. Il a remporté le Trophée Jules Verne en 2010 en 48 jours sous le nom de Groupama 3 et barré par Franck Cammas. Devenu Banque Populaire VII, il a gagné la Route du Rhum dans un temps record en 2014, barré par Loïck Peyron.
« Francis fait un truc top avec mon ancien bateau, se félicite Cammas. Je suis plutôt fier que ce bateau continue de faire des exploits. »
Le bateau n’est sûrement pas encore au bout de son aventure. Et peut-être bien que Francis Joyon non plus, lui qui regarde du coin de l’oeil cette course des Ultime en 2019, celle autour du monde en solitaire sur des géants des mers.
Quant au Trophée Jules Verne, Lamazou a « le pressentiment que ça ne va pas s’arrêter là ».
© AFP/Archives FRED TANNEAU
Le maxi-trimaran Idec Sportde Francis Joyon à Brest avant de se lancer dans le Trophée Jules Verne, le 16 décembre 2016