Des biologistes américains ont découvert, après des observations à Moorea et des examens génétiques, que certains coraux durs du genre Pocillopora appartenaient à une espèce pas encore répertoriée. Ils l’ont baptisé Tuahiniensis, en référence au mot tahitien « tuahine », et estiment que la génomique pourrait permettre de distinguer – et donc de mieux protéger – plusieurs autres espèces de coraux dans nos lagons.
C’est une nouvelle « sœur », jusque-là cachée, que la famille des Pocillopora s’est découverte ces derniers jours. Ce genre de coraux durs, qui fait lui-même partie de l’ordre des Scleractinia, est reconnaissable à ses « spatules » irrégulières et à sa capacité à coloniser relativement rapidement des structures humaines, comme des docks ou des installations sous-marines. Une famille que deux biologistes américains, Erika Johnston et Scott Burgess ont étudiée, dans les eaux du fenua, et notamment à Moorea ces derniers mois. Des observations de terrain auxquelles s’ajoutent des travaux en laboratoire, et qui ont permis aux deux chercheurs de l’université d’État de Floride de publier ces derniers jours, dans la revue Zootaxa, la description d’une nouvelle espèce. Son nom de baptême : Pocillopora tuahiniensis, précise le site de l’université américaine. Une référence au mot « tuahine », qui signifie « soeur » en reo Tahiti.
Espèces « cryptiques »
Tuahiniensis ressemble à s’y méprendre à d’autres espèces déjà connues de coraux durs. Il est d’autant plus difficile de les distinguer que les membres de la famille Pocillopora sont connus pour être des « espèces cryptiques » : les spécimens d’une même espèce peuvent être très différents entre eux et des coraux de deux espèces différentes peuvent beaucoup se ressembler. Pour distinguer ce nouvel animal du reste de la famille, les deux scientifiques, une post-doctorante et un professeur agrégé de biologie, ont donc dû aller au-delà des apparences. Ils ont analysé le génome du corail et examiné « les algues symbiotiques » qui vivent à l’intérieur de ses cellules, explique leur établissement dans un communiqué. « Nous savons par expérience que si vous essayez d’identifier les coraux Pocillopora lorsque vous êtes sous l’eau, vous vous trompez la plupart du temps, précise Scott Burgess. C’est pourquoi la plupart des recherches menées jusqu’à présent se contentaient de regrouper tous ces coraux en un seul groupe, alors qu’ils sont en réalité tous différents. »
Encore des espèces à découvrir… Et à protéger
D’après le spécialiste, la génomique pourrait permettre de distinguer encore beaucoup d’espèces de coraux, encore « cachés » du fait de similitudes morphologiques à des espèces connues. Et il ne s’agirait pas simplement de remplir les répertoires scientifiques : « Les découvertes de ce type modifient fondamentalement la façon dont nous étudions et conservons la biodiversité », précise l’Université d’état de Floride. Les chercheurs qui travaillent sur les phénomènes de blanchissement, et sur les effets du changement climatique, par exemple, doivent savoir précisément à quelles espèces ils ont à faire pour pouvoir orienter les plans de conservation. « Si nous ne sommes pas en mesure d’identifier correctement les coraux, nous ne saurons pas ce que nous perdons ni comment le sauver », résume Erika Johnston.
Ce n’est donc pas la fin des travaux scientifiques sur les récifs et notamment ceux de Polynésie, qui font partie des plus préservés de la planète. « En tant qu’invités, nous tenons à remercier le gouvernement de la Polynésie française pour son soutien à long terme qui nous permet de mener nos recherches sur place », a précisé l’équipe, qui a notamment travaillé à Moorea. Le duo dit espérer que leurs recherches profiteront à la fois à la communauté scientifique mondiale et à ceux qui œuvre, localement à la préservation des récifs de l’île sœur et du fenua.