La Chambre territoriale des comptes vient de rendre son rapport sur les comptes et la gestion de la commune de Tubuai depuis l’année 2017. Les magistrats saluent les « réels efforts » de la commune, qu’il faut désormais « consolider ». La lecture du rapport laisse entrevoir un manque de professionnalisme dans de nombreux domaines.
Le contrôle a porté sur le pilotage communal, l’information budgétaire et la fiabilité des comptes, la situation financière, l’organisation de la commune, les services publics environnementaux (eau, déchets, assainissement) et de protection (secours incendie, police municipale). « Les réels efforts entrepris par la commune dans différents domaines sont désormais à consolider », note la Chambre territoriale des comptes, dans son rapport sur les comptes et la gestion de la commune de Tubuai depuis l’année 2017.
La commune manque de communication. Si les règles de convocation, de réunion et de restitution du conseil municipal sont bien respectées, les décisions prises par le maire ne sont pas toujours connues de tous. Aucun dispositif de communication des actes et décisions de la commune n’a été mis en place sauf pour ceux qui présentent un caractère réglementaire ou individuel. Pourtant un règlement intérieur adopté en 2022 prévoyait la création de commissions thématiques, la formalisation des commissions officielles avec ordre du jour, compte-rendu, convocation, etc, pour remplacer les réunions informelles. La CTC invite la commune à appliquer cette possibilité pour « améliorer la lisibilité de la gouvernance sur les sujets à enjeux pour la commune ». Elle propose aussi de mettre en place des outils de pilotage plus précis avec notamment un document de programmation pluriannuel des investissements. Toujours du côté de la gestion, la commune n’a toujours pas de plan de prévention des risques naturels prévisibles, ni de plan général d’aménagement.
L’autofinancement de la commune « ne cesse de se dégrader »
Compte tenu de sa taille, la commune n’est pas soumise aux règles contraignantes de la comptabilité publique et elle effectue donc le minimum prévu, mais la Chambre territoriale des comptes l’invite à « un meilleur suivi des recettes à classer ou à régulariser, en lien avec le comptable public, pour ne pas fausser les résultats budgétaires de la commune », à tenir un inventaire communal, à renforcer le contrôle interne de la régie et à acter une politique volontariste de relance des impayés auprès des administrés. D’autant que l’autofinancement de la commune « ne cesse de se dégrader » : « les produits ne sont plus suffisants pour couvrir les charges générales du budget ». Mais les raisons sont connues : absence de budget annexe dédié aux ordures et de redevance, absence d’actualisation des tarifs du service de l’eau jusqu’en 2023 (un réseau qui compte jusqu’à 50% de fuite), la commune n’a pas appliqué la délibération de 2020 liée à la taxe de séjour, elle n’a pas relevé les centimes additionnels sur l’impôt foncier (jusqu’à 50% si besoin, propose la CTC). Enfin les ressources d’exploitation pourraient être plus dynamiques si « la facturation des locations d’engins et matériels communaux était réalisée conformément aux tarifs arrêtés par le conseil municipal, de manière sincère et non discrétionnaire ». Pour la CTC, « un réel travail sur les charges générales et de personnel s’impose désormais pour retrouver des marges de manœuvre ».
Sept recommandations à suivre
Sa gestion du personnel manque aussi de professionnalisme : pas d’entretien annuel, pas de politique de prévention des accidents, pas de document unique d’évaluation des risques professionnels, pas d’outils de gestion efficaces pour prévoir les recrutements ou les départs à la retraite… En résumé, la CTC a formulé sept recommandations : se doter d’un inventaire physique exhaustif, réaliser le document unique d’évaluation des risques professionnels, établir les règles relatives à l’utilisation et au contrôle des véhicules et des carburants, mettre en œuvre les procédures nécessaires au respect de la computation des seuils en matière de commande publique, actualiser le règlement de service de l’eau, produire un rapport prix qualité de service pour l’eau et comptabiliser les charges et produits des ordures ménagères sur un budget annexe dédié.
Quand la commune s’improvise en station-service…
« Suite à la fermeture définitive de l’unique station-service de l’île le 30 décembre 2020, la commune qui ne souhaitait pas reprendre l’activité de station-service en régie, a procédé à un appel à projet en 2021 auprès de trois sociétés pétrolières. En attendant la reconstruction d’une station et pour éviter que la population ne stocke du carburant chez elle, le conseil municipal a autorisé la commune à vendre temporairement du carburant aux particuliers pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2021, jusqu’à la fin des travaux de la future station-service. Compte tenu des retards pris dans les démarches de l’investisseur privé (procédure ICPE, permis de construire, construction…), la situation a perduré jusqu’au 30 décembre 2022. La Chambre constate tout d’abord que l’activité de délivrance de carburant a été effectuée largement au-dessus des limites ne nécessitant pas une demande d’installation classée pour la protection de l’environnement, à savoir un maximum de 100 000 litres par an. La commune ayant délivré aux particuliers pratiquement 200 000 litres de carburant en 2021 et 213 000 litres en 2022, une demande d’installation classée 2ème classe aurait dû être adressée à la Direction de l’environnement (DIREN). L’exploitation de l’activité de délivrance de carburant a donc été réalisée en dehors de tout cadre juridique indispensable pour une activité susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement. La Chambre relève ensuite qu’il n’est pas possible à l’issue de la période de deux ans d’établir une concordance physico-financière compte tenu de l’absence de contrôle des stocks sur les deux ans et à l’issue de la cessation de l’activité en décembre 2022. D’autant plus qu’un épisode de carburant souillé, impropre à la consommation suite à de mauvaises conditions de stockage lors du transport, aurait généré des pertes de 4 000 à 5 000 litres supplémentaires, et qu’un complément du même niveau aurait été effectué par le transporteur, à l’amiable, sans aucune pièce justificative produite à la Chambre. » |