Paris (AFP) – Une protéine fabriquée par le minuscule tardigrade, probablement l’animal le plus indestructible de la planète, pourrait protéger l’ADN humain des rayons X, selon des chercheurs japonais.
« Ce qui est incroyable, c’est que la protéine qui prodigue au tardigrade cette résistance peut être transférée à d’autres cellules animales », explique à l’AFP Takekazu Kunieda de l’université de Kyoto et coauteur de l’étude publiée mardi dans la revue britannique Nature Communications.
Parfois surnommés « oursons d’eau » en raison de leur corps dodu, les tardigrades vivent un peu partout sur la planète. Ne mesurant qu’un demi millimètre de longueur, ils se déplacent très lentement, de façon pataude, sur leurs huit pattes griffues.
Mais ce n’est pas leur physique de sac aspirateur qui fascine les scientifiques. L’atout du tardigrade, c’est son exceptionnelle capacité d’adaptation, son incroyable résistance aux conditions extrêmes qui tueraient n’importe quel autre être vivant.
L’animal peut résister à des températures passant largement sous le zéro puis, vingt minutes à peine après avoir été sortis du congélateur, repartir se balader. Même constat après un passage dans l’eau bouillante.
Il jouit d’une longévité qui fait rêver et résiste au vide spatial. En 2007, des milliers d’Oursons d’eau ont été embarqués à bord d’un vaisseau spatial et exposés au vide de l’espace à 270 km d’altitude.
A leur retour, la plupart de ces minuscules invertébrés n’ont présenté aucune altération biologique, et se sont même reproduits normalement. Une prouesse qui leur a valu, sur internet, une filiation un peu rapide avec E.T.
L' »Ourson d’eau » survit également à des pressions équivalentes à 300 fois celle de l’atmosphère, et à des doses de rayons ultraviolets mortelles pour la plupart des organismes vivants.
Des supers pouvoirs qui restent mystérieux pour les scientifiques.
– Les tardigrades réparent leur propre ADN –
En séquençant l’ADN de tardigrade, Takekazu Kunieda et ses collègues ont identifié une protéine qui protège cet ADN lorsqu’il est irradié. Selon les chercheurs, cette protéine est spécifique aux tardigrades.
Poussant un peu plus loin leurs recherches, les scientifiques ont constaté, en laboratoire, que cette protéine pouvait protéger les cellules humaines des rayons X.
« C’est étonnant de voir qu’un seul gène est suffisant pour améliorer, en culture, la tolérance aux rayonnements des cellules humaines », avoue le biologiste.
Sous la « protection » de la protéine du tardigrade, l’ADN subirait deux fois moins de dommages, selon l’étude.
« Nous pensons que la protéine pourrait fonctionner comme un bouclier physique et protéger l’ADN humain contre les attaques », explique le chercheur japonais.
Selon l’étude, le secret de l’incroyable capacité de résistance du tardigrade pourrait également se trouver dans son génome.
Notamment sa résistance à la sécheresse extrême. Privé d’eau, l’animal est capable de totalement se dessécher et de survivre avec seulement 1% de l’eau qu’il contient à l’état normal.
Son ADN se disloque alors en de multiples petits morceaux. Il reste dans un état proche de la non-vie, durant lequel son activité vitale s’abaisse à 0,01 % de la normale. Et ce jusqu’à l’arrivée de jours meilleurs.
Ensuite, au cours du processus de réhydratation, les tardigrades peuvent réparer leur propre ADN endommagé et ressortir indemnes de cette phase de déshydratation extrême.
« Si la tolérance à la dessiccation (procédé d’élimination de l’eau, ndlr) peut devenir transférable, ce que j’espère, cela va bouleverser notre façon de préserver les matériaux biologiques (les cellules, les cultures, les viandes, les poissons, …. ) », note Takekazu Kunieda.
Mais « je ne pense pas que cela arrive dans un avenir proche », précise-t-il. Car qui dit manipulation génétique dit problèmes d’ordre éthique.