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Un « boum » et des larmes à Tautira


Plusieurs blocs de pierre de la montagne Tahuareva, qui menaçaient la route de Tautira, ont été dynamités ce matin. Le collectif de défense du site, qui avait réussi, en mai, à faire reporter ce chantier jugé « urgent » par la direction de l’Équipement, a cette fois été tenu à l’écart par la gendarmerie.

Il était 9h35 ce matin quand la détonation s’est fait entendre à la Presqu’île. La route de Tautira, elle, avait été fermée dès 7h30, et filtrée dès l’aube. Côté Taravao, ils étaient une vingtaine, venus de Papeete, Paea ou Papara, à s’être rassemblés en face du barrage de la gendarmerie. Une cinquantaine d’autres personnes, des riverains, s’étaient aussi approchés, par curiosité plus que par militantisme pour beaucoup. La mobilisation, quoiqu’il arrive, avait de quoi décevoir pour une cause qui n’a cessé, ces dernières semaines, d’accumuler les soutiens et les « likes » sur les réseaux sociaux. « Ils ont fait ça pendant le confinement, pour que personne ne puisse venir, lance une des membres du collectif de défense du Tahuareva. C’est tout calculé ». La Direction de l’équipement, elle, parle de coïncidence de calendrier, et d’opération « qui ne peut plus être reportée ». Les gendarmes présents en nombre – 92 pour sécuriser la route, la montagne, le rivage, et assurer d’éventuels transports urgents depuis le village – étaient là pour s’en assurer.

Quatre mois de débat

Il faut dire que le chantier annoncé début mai par la mairie de Taiarapu-Est, et alors qualifié « d’urgent » par le Pays, avait déjà beaucoup tardé. C’est en avril que des techniciens avaient identifié des fragilités et des roches instables dans la paroi de la montagne qui surplombe la route de Tautira. « Un risque immédiat » qui a entrainé cette décision de dynamitage : 5 blocs de pierres, de 150 à 200 tonnes chacun, devaient être explosés et évacués vers la mer, « pour ne pas mettre en danger les passants et automobilistes ». Sauf que pour le collectif Te Hono Tia’au et l’association Te Hono Autahi no Ataaroa i Tautira, la montagne Tahuareva, dont la partie basse d’une des façades est concernée, est « sacrée ». Mobilisation et blocage du chantier réussi en mai, et les militants font depuis tout pour étayer la valeur « patrimoniale et culturelle » du site Tahuareva. Sans grand succès. Le collectif et l’association avaient bien annoncé avoir retrouvé des « vestiges ancestraux » à la mi-août dans la zone à exploser, mais les archéologues dépêchés sur place – un agent du service du patrimoine et un spécialiste indépendant néozélandais – n’ont trouvé sur place aucune trace laissé par les tupuna. Échec aussi devant la justice administrative, dont les militants espéraient encore une suspension du chantier en référé ce matin. Elle n’est pas tombée, les blocs de roche, si.

Tensions et discussions

Parmi les militants, plus jeunes que dans la plupart des mobilisations de ce type, le « boum » a soulevé les cœurs. Et plusieurs membres du collectif ont essuyé des larmes devant le cordon de gendarmerie et les caméras. « Ça fait mal, explique Ismaël Huukena venu de Papenoo pour « amener sa compassion, soutenir la population de Tautira, et défendre Tahuareva ». C’est un patrimoine très sacré, là on enlève petit petit notre culture ».

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D’autres dénoncent une « atteinte à tout un peuple », une « culture qui s’effrite », des pouvoirs publics « qui ne respectent personne ». « Ils ne voulaient pas entendre, on n’a eu accès à rien dans ce dossier », lance Laiza Pautehea, une des porte-paroles du collectif. Si les premières heures de mobilisation s’étaient passés sans accrocs avec les forces de l’ordre, les tensions montent, dans le ton du moins, après la détonation. Les manifestants, auxquels il est au passage rappelé que le confinement interdit normalement leur présence sur place, sont sommés de décaler leur « sitting » pour faire place aux camions et engins qui doivent déblayer la route. Certains refusent, demandent à parler au général Frédéric Saulnier, commandant de la gendarmerie en Polynésie, qui entamera la discussion. « Vous ne vous rendez même pas compte de ce que vous avez fait, il va y avoir des retombées derrière, lui lance Laiza Pauteha. Laissez-nous du temps ! Respectez notre deuil ! Il faut qu’on parle entre nous ».

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Le commandant de la gendarmerie préfèrera l’attente et la discussion, au dégagement manu militari et à la verbalisation. À 11h30, après un moment de communion du petit groupe, les camions peuvent passer et les militants se disperseront ensuite dans le calme. La route sera rouverte dans la journée, mais la circulation restera alternée pendant plusieurs semaines, le temps des travaux de sécurisation. Des grillages doivent notamment être installés sur la paroi pour éviter les chutes de pierres. Au sein du collectif, on promet d’essayer de mieux mettre en valeur le Tahuareva dans les mois à venir. En tout cas la partie toujours debout.