Trois fois plus d’espace, bientôt deux fois plus de formateurs, cinq simulateurs flambants neufs et des chambre pour les stagiaires des îles.. Le Centre des métiers de la mer de Polynésie a inauguré, ce vendredi son nouveau campus d’Arue, baptisé Ahutoru en l’honneur du navigateur et explorateur polynésien du XVIIIe siècle. Une « première pierre à un édifice plus vaste » qui vise à doter, enfin, le fenua d’une formation à la hauteur de ses ambitions maritimes.
Ahutoru. C’est le nom de ce grand navigateur*, « premier des ta’ata à s’être aventuré au delà des horizons connus des siens » jusqu’en Europe, qui a été choisi pour nommer ce nouveau campus du Centre des métiers de la mer. Un site qui a déjà accueilli l’Orstom puis l’IRD et qui est situé, comme l’a rappelé ce vendredi après-midi la tavana Teura iriti, à quelques pas de la marina d’Arue, dans la commune qui a vu naître le poti marara. Une histoire, donc, mais surtout des ambitions pour le CMMPF qui quitte les locaux étroits du port de Papeete pour plus de 2000 mètres carrés de locaux rachetés en 2017 par le Pays et enfin rénovés.
Simulateurs des machines à la passerelle
Le campus va bien sûr permettre a l’établissement de formation continue de se développer : davantage d’étudiants – 600 à 700 ont fréquenté les anciens locaux en 2023, pour des formations de quelques semaines ou d’une année – davantage de formateurs – seulement cinq a plein temps aujourd’hui et onze a moyen terme – et davantage d’équipements. Côté mer, le ponton flottant qui jouxte le campus a été emporté par les intempéries de ces derniers jours, mais le bateau de formation du centre pourra bientôt amarrer sur place. Côté terre, une vingtaine de couchages permettront à des étudiants des îles de venir passer plus confortablement leur qualification professionnelle. Surtout, les grandes salles de cours du centre sont équipées de cinq simulateurs flambant neufs. Activités de passerelle, simulateurs de machinerie, de pilotage bien sûr, ou d’échanges en mer… Des outils qui fonctionnent confirment Moetai Brotherson après une démonstration d’une des salle de simulation : « j’ai eu le mal de mer ».
Faire connaître la diversité des métiers de la mer
Comment ce campus Ahutoru va régler les problèmes de la formation maritime polynésienne ? « On a trois problématique sur ce sujet, répond le directeur du CMMPF heifara Trafton. La première, c’est celle des surface. Avant, on était cantonné dans 600 mètres carrés, ce qui nous permettait pas de développer un nombre suffisant de formations. C’est un problème réglé puisqu’on triple nos surfaces ». Le second problème est mondial : le manque de formateurs, qui semble être moins saillant ces derniers mois. « Ce sont peut-être les annonces du gouvernement sur les ambitions maritimes du pays, notamment en matière de pêche, mais on a reçu énormément de candidatures », confirme le directeur qui ajoute : « Le troisième problème, c’est l’attractivité ». Pas celle des formations qualifiantes qui pour certaines sont contrainte de refuser des candidats, mais celle de centaines de métiers du secteur. « Il y a une méconnaissance de la diversité des métiers de la mer, pointe le responsable. Ça va du tourisme à la pêche en passant par le commerce, la plongée professionnelle ou la perliculture, dont on a récupéré les formation depuis deux ans. C’est l’objectif de ce centre : faire connaitre au mieux les métiers de la mer ». Et attirer la jeunesse
Pièce maitresse du future « CMQ »
Le président, après avoir remercié l’État pour avoir cofinancé le projet – et avoir accueilli gracieusement, pendant cinquante ans, le CMMPF dans ses locaux du port – le précise dès le discours d’inauguration : l’ouverture de campus n’est qu’une « première pierre a un édifice beaucoup plus vaste ». Car outre ce nouveau campus Ahutoru, son gouvernement a hérité du projet de Campus des métiers et des qualifications de la mer qu’il a beaucoup cherché à faire avancer ces derniers mois. Ce CMQ – comme celui qui a été créé en 2022 dans le secteur du tourisme – est, plutôt qu’un lieu, un réseau d’établissement et d’acteurs, dont le site d’Arue sera le centre névralgique. Une étude a été lancée avec l’État pour savoir comment concrétiser ce réseau, et comment Paris et Papeete peuvent coopérer pour le renforcer. Les premiers résultats sont attendus pour le milieu d’année. « L’idée, c’est de venir le compléter à la fois avec de nouvelles formations maritimes, mais aussi, en maritimisant des formations qui existent déjà », explique le responsable qui prend l’exemple des formations à la soudure « terrestre » des CJA qui peuvent être modifiées pour répondre aux besoin de soudeurs des chantiers et armement maritimes.
Des ministres à revoir
Moetai Brotherson, de ce côté là, a de quoi être soulagé : le secrétaire d’État a la mer Hervé Berville, avec qui l’accord sur ce projet a été conclu, vient d’être reconduit à son poste. Il faudra en revanche reprendre les discussions avec la nouvelle ministre des Outre-mer, Marie Guevenoux… Et même la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, puisque l’idée est aussi d’ajouter à ce CMQ des formations initiales maritimes, comparables et éventuellement dans le cadre des formations des lycées agricoles. Moetai Brotherson avait rencontré, sur ce sujet du campus des métiers, Amélie Oudéa-Castera début janvier. Elle a finalement été renvoyée vers les affaires sportives et olympiques un mois après avoir été promue. Un rendez-vous devra être donc pris avec l’équipe de Nicole Belloubet.
* à lire, la biographie Ahutoru ou l’envers du voyage de Bougainville à Tahiti, écrit par Véronique Dorbe-Lacrde et paru au Vent des îles l’année dernière