Auguste, militaire de carrière, s’est retrouvé à la barre du tribunal ce lundi, pour avoir porté un coup de couteau lors d’une bagarre, occasionnant dix jours d’ITT à sa victime. Il a été condamné à une peine de deux ans de prison dont un avec sursis.
Auguste a 24 ans et s’est engagé dans l’armée de terre en 2015. Il est marié, a un enfant et n’a pas de casier judiciaire. Appelé à participer à de nombreuses opérations militaires extérieures, notamment au Mali, on peut le considérer comme un guerrier aguerri capable de conserver son sang-froid dans des situations périlleuses. Pas vraiment, si l’on en croît les faits qui lui sont reprochés. Début du mois d’août, alors qu’il est en permission dans sa famille, il va perdre ses nerfs, et cela pour une raison plus que futile. Une histoire de grade qui va s’envenimer, l’alcool aidant.
Jean, qui a sensiblement le même âge, est un voisin qu’il connait bien et avec qui il n’a jamais eu de problème. Celui-ci passe chez lui pour acheter une bière, les parents d’Auguste tenant un petit commerce de quartier. Voyant Auguste qu’il avait perdu de vue depuis un certain temps, il s’attable avec lui autour d’un pack de bière. Les discussions et l’alcool vont bon train jusqu’à ce qu’ils évoquent l’armée.
Jean dit alors à Auguste que son frère est plus gradé que lui, qui n’est qu’un simple caporal, et que jamais il n’évoluera dans la hiérarchie car il n’a pas de diplôme. Et la discussion s’envenime à un tel point qu’à un moment, Auguste part dans la cuisine pour se calmer. Et là selon les témoins, à peine revenu, il brise la table et se jette sur Jean et lui assène un coup de poing, selon Auguste, un coup de couteau selon les témoins et Jean. L’arme ne sera jamais retrouvée. Quoiqu’il en soit, à la vue du sang qui gicle au niveau du cou de Jean, Auguste lui prodigue les premiers soins appuyant sur la plaie pour la compresser.
Les secours arrivent et emportent Jean à l’hôpital où on diagnostiquera une plaie sous mandibulaire qui lui vaudra une semaine d’hospitalisation et 10 jours d’ITT.
« Je ne me souviens pas du couteau. »
À la barre, Auguste, petit râblé au cou de taureau, explique qu’il ne se contrôlait plus. « J’étais énervé, je me souviens avoir cassé la table, mais je ne me souviens pas du couteau. Je ne me contrôlais plus. J’ai balancé mon poing et quand j’ai vu le sang gicler, c’est là que j’ai vu que j’avais fait une bêtise. Je regrette mon geste. »
Jean témoigne. « Ce qui l’a énervé c’est que je dise que mon frère est plus gradé que lui. Je l’ai vu dans la cuisine, il était en train de manger, mais je ne l’ai pas vu revenir avec un couteau. » Pour lui, Auguste l’a agressé par derrière, ce que le mis en cause nie. « Il était face à moi quand je l’ai frappé et c’est lui qui a commencé à me donner des coups que j’ai esquivés. » Si Jean ne se rappelle pas lui avoir donné des coups, car saoul lui aussi, sa compagne le confirmera lors de sa déposition à la gendarmerie. « Ma copine m’a dit que j’avais essayé de le taper » confiera Jean au tribunal.
Les deux jeunes hommes ont une assez bonne réputation dans le quartier, les témoins s’accordent à dire que tous deux sont plutôt de bon gars. Même si Jean, qui pratique la boxe, a une réputation de frappeur, personne ne l’a vu se battre. « Je n’ai jamais donné de coups à quelqu’un en dehors d’un ring », assure-t-il.
« Le coup de couteau est disproportionné »
Pour son avocat, « c’était une petite dispute et personne n’a vu arriver le coup. Le coup de couteau est disproportionné. Un couteau que l’on n’a d’ailleurs pas retrouvé (…) peut-être que la famille l’a dissimulé, on n’en sait rien. » Pour la partie civile, Auguste s’est emparé du couteau alors qu’il était dans la cuisine, « une sorte de préméditation. » Expliquant que son client est un boxeur, « mais il n’a jamais frappé quelqu’un », il assure que « la boule d’agressivité est du côté de l’agresseur qui se rappelle tout sauf du couteau. » Estimant que son client s’en est sorti « par miracle », il demande 300 000 Fcfp au titre du préjudice.
« Chez les Polynésiens, le ton est important et peut être provoquant »
Le procureur se demande quant à lui, « comment des mots peuvent-ils déclencher une telle fureur ? » Et de livrer une explication plausible à ses yeux, « chez les Polynésiens, le ton est important et peut être provoquant, et une personne peut se sentir atteinte par le ton. » Pour autant, « dans ce dossier la violence est disproportionnée. Ce que l’on ne comprend pas, c’est pourquoi il revient avec un couteau ? Et je n’ai pas de réponse, d’autant qu’il n’existe aucun conflit latent entre les deux. C’est un geste volontaire de la part de l’accusé » Faisant foi du témoignage de la victime, « il l’a pris en traitre, et cela, c’est inacceptable, il ne lui a laissé aucune chance. Pour moi, il voulait véritablement lui faire mal. » Le procureur en déduit que « cela traduit pour moi une certaine dangerosité qui va justifier la peine que je vais demander. » Il réclame une peine de deux ans de prison dont six mois avec sursis et interdiction de rentrer en contact avec la victime avec une obligation de soins. Il demande aussi un mandat de dépôt à son encontre. Précisant aussi qu’à quelques centimètres près, Auguste aurait pu se retrouver aux assises pour homicide involontaire.
« S’il va en prison, il perd tout »
Pour l’avocat de la défense, les réquisitions du procureur passent mal. « Ce sont de lourdes réquisitions. Mon client s’est construit tout seul, il est parti de rien et il vit dans un univers de violence » faisant allusion aux opérations de l’armée française au Mali auxquelles Auguste a participé. « S’il va en prison, il perd tout. Sa femme et son enfant qui sont en métropole se retrouveront sans rien. L’envoyer en prison n’est pas adapté à la situation. » Se déclarant choqué par les réquisitions, il poursuit, « je ne suis pas en train de dire que ce qu’il a fait n’est pas grave, mais est-ce une raison de l’écraser avec le marteau de la justice ? Le dommage corporel n’est pas si important. C’est un jeune chef de famille et il en aura à répondre devant sa hiérarchie. »
Après en avoir délibéré, le tribunal a reconnu Auguste coupable des faits qui étaient reprochés et l’a condamné à une peine de deux ans de prison dont un avec sursis, obligation de suivre des soins pour endiguer sa violence et interdiction de rentrer en contact avec Jean.
Comme le tribunal n’a pas fait suite à la demande du procureur concernant le mandat de dépôt, Auguste a écopé d’une peine aménageable et il pourra continuer à servir sous les drapeaux, d’autant que sa condamnation ne sera pas inscrite sur le bulletin N°2 de son casier judiciaire, comme l’a voulu le tribunal.