L’AVIS DE – L’écrivain et réalisateur français Diastème signe un troisième film percutant sur l’histoire d’un jeune skinhead qui s’extirpe de l’ultraviolence.
« C’est l’histoire d’un salaud qui devient un mec bien, mais ne s’en remettra jamais », résume Diastème, réalisateur du film choc Un Français, sur les écrans mercredi. Le long-métrage, « inspiré de faits réels », parcourt trente ans de la vie d’un skinhead des années 80 à travers une vingtaine de séquences tournées caméra à l’épaule. Diastème, ancien journaliste venu au cinéma avec Le Bruit des gens autour, signe un long-métrage incisif sur le mouvement skin filmé de l’intérieur.
La violence crue de la jeunesse. Blouson noir, crâne rasé, rangers aux pieds, Marc Lopez dit Marco et ses copains Grand-Guy, Braguette et Marvin veulent « casser du Noir et de l’Arabe », comme ils le répètent au début du film. Joignant régulièrement le geste à la parole, les années de jeunesse réservent à l’écran des scènes de violence très crues. Les skinheads se déplacent en bande et malheur à celui qui croise leur chemin. C’est ainsi qu’on les voit courser et tabasser des gamins d’extrême gauche, démolir le portrait de clients maghrébins paisiblement attablés dans un bar de quartier ou encore torturer un homme jusqu’à le tuer parce qu’il est noir. « Je voulais que ces scènes de ‘baston’, d’une certaine façon, écœurent le spectateur », confie le réalisateur.
Une sortie de la haine âpre et réaliste. Pourtant, peu à peu, quelque chose en Marco se fissure. Ce sont des hésitations, des regards, qui, dans l’enthousiasme haineux qui l’entoure, font l’effet d’une criante fracture. Le héros taiseux du film prend ses distances, sort peu à peu du cercle de la haine et de la violence mais sa transformation -incomprise, rejetée par les autres, sa seule famille au fond – est lente et périlleuse. Diastème, le réalisateur, n’aime pas le mot de « rédemption », qui a une connotation religieuse, parce qu’il ne voulait pas que son personnage passe « d’une idéologie à une autre ». Le film est très fin sur ce point. Pas de « happy end », ni de caricature. La sortie de la haine est âpre et réaliste.
Portée politique.Un Français a une portée politique évidente, qui a d’ailleurs suscité la controverse avant même sa sortie. Diastème s’était indigné sur son blog que certains exploitants n’aient pas voulu diffuser le film dans leurs salles pour les avant-premières, en raison de son caractère polémique. Un Français est finalement sorti dans 60 salles au lieu de 100.
Il faut dire que les liens entre les mouvements skinheads et l »extrême droite apparaissent très clairement. Le film établit aussi un pont entre l’extrême droite et la Manif pour tous, (on retrouve des membres du parti dans les cortèges). « J’ai toujours eu l’impression qu’il y avait deux France », explicite encore Diastème : « celle de ‘Liberté Égalité Fraternité’ et celle de ‘Travail Famille Patrie’. (…) Et mon ‘héros’ est un homme qui va passer d’une France à une autre ». Le « héros » en question est un acteur encore anonyme, Alban Lenoir, au jeu aussi saisissant qu’intériorisé. Les acteurs qui l’entourent, pour la plupart peu connus -à l’exception de Paul Hamy- sont tous particulièrement justes. C’est fort, brut de décoffrage et percutant.