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« Un Homme debout », une pièce d’utilité publique

Guillaume Gay, le patron de la compagnie du Caméléon, organisateur de Te Vevo, et Jean-Michel van den Eyden, le metteur en scène de la pièce « Un Homme debout ».

Après plus de 300 dates en Europe, le comédien et ex-détenu Jean-Marc Mahy est au fenua pour présenter la pièce « Un homme debout », coécrite avec le metteur en scène Jean-Michel van den Eyden. Jouée cette semaine dans le cadre du festival Te Vevo, l’oeuvre aborde ses deux décennies passées derrières les barreaux, en décrivant des moments de vie en prison, tout en proposant une réflexion sur le système carcéral et sur la (ré)insertion des détenus. Le message, qui s’adresse notamment à la jeunesse, a touché au plus haut niveau politique, puisque cette pièce a contribué à la création d’un label d’utilité publique en Belgique.

Jean-Marc Mahy n’était pas sur notre plateau, ce lundi matin, pour évoquer sa pièce Un Homme debout, qui sera jouée de jeudi à dimanche dans le cadre du festival Te Vevo. Et pour cause, cet ancien détenu n’a pu transiter par les États-Unis en raison de son passé judiciaire. En attendant l’arrivée du comédien au fenua, c’est donc le co-auteur de la pièce, le metteur en scène Jean-Michel van den Eyden, qui a assuré la promo de cette troisième et dernière semaine du festival, centrée sur le thème « parler pour réparer ». Précédée, mercredi soir, de la diffusion du film Je verrai toujours vos visages, qui traite de la justice restaurative, la pièce Un Homme debout, raconte l’histoire carcérale de Jean-Marc. Ce Belge de 56 ans en a passé près de vingt derrière les barreaux, jusqu’en 2003, pour deux meurtres, l’un commis lors d’un cambriolage qui à mal tourné, l’autre pendant une tentative d’évasion.

Plus de 300 représentations

« Jean-Marc a eu une nécessité absolue de parler de la prison, c’est une encyclopédie sur le sujet », raconte Jean-Michel van den Eyden, qui a rencontré l’intéressé en recherchant un ancien détenu prêt à témoigner, dans le cadre de débats organisés autour d’une première pièce sur la délinquance juvénile. « Il racontait déjà son parcours de vie et carcéral dans des écoles et des associations. J’ai voulu qu’on travaille ensemble et la pièce est née ». Initialement, l’oeuvre devait être jouée par un comédien. « Mais Jean-Marc ne voulait pas lâcher son récit de vie… Et il a été capable de jouer, de rejouer, sans raconter, son parcours et ses moments de vie pendant vingt ans en prison », poursuit le metteur en scène. Et cet authenticité a fonctionné. D’une vingtaine, ce seront finalement « plus de trois cents » dates qui seront programmées, dont certaines au festival d’Avignon. Et « Tahiti vient clôturer treize ans d’aventure artistique, mais aussi de témoignages et de débats. »

Car ce seul en scène n’a pas grand chose à voir « avec l’univers d’Hollywood, Prison Break ou autre ». Selon le co-auteur, c’est un véritable message sur les difficultés et les humiliations en prison, « avec cette violence, cette surpopulation et cette déshumanisation », sur la construction d’un homme « qui va avoir neuf diplômes et faire des études pour être éducateur », et sur cet échappatoire que constitue « l’accès à la culture » derrière les barreaux. « Un Homme debout, c’est l’histoire d’un homme luttant pour sa (sur)vie, mais aussi un hymne à l’espoir, au dialogue, au courage et à ce qui nous pousse à rester debout, envers et contre tout », résume la présentation de l’oeuvre.

Parler des missions du système judiciaire

C’est aussi une réflexion sur le système carcéral dans son ensemble : « Les deux premières missions de la prison, à savoir contenir le détenu et lui faire purger sa peine, sont plutôt bien mises en œuvre en Europe. Mais les deux suivantes, qui sont la prise de conscience de l’acte commis et la réinsertion – voire l’insertion – dans la société, sont quasi inexistantes », relève Jean-Michel van den Eyden. « Souvent, ajoute-t-il, on en ressort pire car c’est aussi l’école du crime et du vice. D’où l’énorme taux de récidive, plus de 85% en Belgique. » De ce constat est née la volonté de faire de cette pièce, accessible à partir de 14 ans, un exemple pour « faire prendre conscience qu’il existent des contre-exemples de modèles qui permettent à un individu de prendre conscience de ses actes, de la détresse qu’il a causé chez autrui et de lui donner des chances de s’insérer ».

Une pièce à l’origine d’un label

Un fil conducteur qui a permis à la pièce d’être classée « d’utilité publique » en Belgique, et même d’être à l’origine de ce label dans le plat pays. « Après avoir fait nos représentations, on a souhaité aller dans le fond pour mettre en œuvre tout ce qu’on abordé dans nos spectacles et débats. Et donc mener un travail avec la jeunesse, avec près d’une centaine d’animations sur le terrain. Après avoir eu le budget pour faire ce travail, j’ai proposé à la ministre de créer un fonds pour les pièces d’utilité publique, pour que d’autres spectacles aient la possibilité de faire ce travail pédagogique. Avec des pièces qui ont du fond, du sens et une envie de transmettre un message de paix, d’espoir et de changement de société », philosophe le metteur en scène.

En l’occurrence, Un Homme debout promet de « dialoguer avec le spectateur, de lui donner des clefs et des pistes pour se rendre compte que, si on ne met pas d’élements concrets en place, la prison restera toujours un passage pour contenir, sans aider ni la société, ni le détenu à se reconstruire et à œuvrer pour que les choses changent ». Le public a donc rendez-vous les 14, 15 et 16 mars à 19h30 et le 17 mars à 17 heures. Et, raison d’être du festival comme de la pièce, des débats sont aussi prévus, le 13 mars après la diffusion du film Je verrai toujours vos visages, et le 16 mars à l’issue de la représentation.

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