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Un livre pour comprendre l’univers carcéral en Polynésie

Amo i te utu’a – Porter sa peine : la prison en Polynésie française est signé de l’anthropologue Marie Salaün et du linguiste Jacques Vernaudon. Cette commande institutionnelle devient un livre publié par Au Vent des îles. C’est le premier travail académique sur le sujet, qui à travers des trajectoires de détenus et de surveillants donne des clés pour comprendre les inégalités systémiques à l’œuvre au fenua. 

Le livre est « d’abord une commande publique de l’administration pénitentiaire » en 2019 à l’anthropologue Marie Salaün, sur l’adaptation des conditions d’incarcération en fonction des spécificités culturelles. Elle avait alors sollicité les linguistes Jacques Vernaudon et Mirose Paia, « pour permettre aux détenus en particulier de pouvoir s’exprimer dans la langue de leur choix. » « On s’est dit que ce serait intéressant d’en faire un livre, dit Jacques Vernaudon, parce que la prison est finalement un objet peu connu, et pour éclairer un peu le débat autour de la prison, qui est souvent caricatural. »

Au Vent des îles publie donc Amo i te utu’a – Porter sa peine. Les chercheurs ont interrogé détenus, mais aussi surveillants et conseillers d’insertion et de probation : au total, une soixantaine de personnes. Première constatation : une plus grande empathie des personnels pénitentiaires envers les détenus, en comparaison avec les pratiques observées dans l’Hexagone.

Deuxième particularité : les prisons polynésiennes autorisent les familles à apporter à leurs proches de plus grandes quantités de nourriture, un facteur de « pacification carcérale ».

Mais ce qui a particulièrement marqué les chercheurs, c’est le bilinguisme des personnels et des détenus, avec l’usage des langues polynésiennes pour désamorcer des situations conflictuelles. Le revers de cette médaille, dit Jacques Vernaudon, c’est la difficulté de bien appréhender les questions judiciaires ou psychologiques, traitées en français.

C’est aussi là, disent les deux chercheurs, que réside la difficulté pour nombre de détenus de comprendre et d’accepter leur peine et d’entamer un travail sur eux-mêmes. « Il y a parfois des malentendus sur qu’est-ce qui est répréhensible aux yeux de la société et du droit français. Par exemple, Untel condamné pour viol pensera qu’il est puni parce qu’il a trompé sa femme. »

Le livre, dit Jacques Vernaudon, ne s’adresse pas uniquement aux proches de détenus ou aux fonctionnaires de la pénitentiaire. « C’est une sorte de miroir grossissant de la société polynésienne. À travers ces trajectoires, on comprend que la société polynésienne contemporaine vit des formes de violence systémique, qui amènent à réfléchir sur les très fortes inégalités qu’on y trouve », conclut le linguiste.

Jacques Vernaudon sera en dédicace samedi 2 décembre à la librairie Odyssey, de 9 heures à midi. À noter que Odyssey accueillera aussi, aux mêmes horaires, Anthony Berberian et Fabien Michenet, qui dédicaceront leur livre de photos sous-marines Peuples des abysses, la grande migration verticale.

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