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Un nourrisson lourdement handicapé après avoir été secoué, son père aux assises

Le procès d’un homme de 32 ans s’est ouvert ce matin en cour d’assises. Des faits de violences sur ses trois enfants, l’aîné âgé d’un an et deux jumelles d’à peine deux mois, lui sont reprochés. L’une des nouvelles-nées est désormais handicapée à 90% après avoir présenté les symptômes du « bébé secoué ». Ce jeudi, les jurés ont pu en apprendre plus sur la personnalité de l’accusé, un homme élevé dans la violence, traumatisé par l’assassinat de sa mère, et incapable de s’occuper de ses enfants. 

Une naissance prématurée à peine plus de sept mois après sa conception, 1,4 kilo sur la balance, le cordon ombilical autour du cou… La vie de cette fillette était déjà bien fragile. Elle est aujourd’hui brisée : à presque cinq ans, l’enfant est handicapée à 90%, ne peut ni marcher ni se nourrir toute seule, pas même sourire. La faute à un traumatisme du « bébé secoué », infligé alors qu’elle n’avait que deux mois et demi, début 2019, qui vaut aujourd’hui à son auteur présumé un renvoi devant la cour d’assises. Lui n’est autre que le père de la victime. Des victimes même, puisque cet homme de 32 ans est jugé pour des violences sur ses trois enfants : la fillette handicapée donc, mais aussi sa sœur jumelle et l’aîné, qui n’avait qu’un an à l’époque des faits. La mère est entendue comme témoin.

Excédé par les pleurs

Le drame s’était produit dans la maison familiale, un salon et deux chambres partagés entre huit personnes, dont le couple et leurs trois enfants en bas âge. Connu de la justice pour des faits de vols et de violence, le mis en cause vient alors d’accueillir des jumelles, des naissances qui n’étaient pas prévues. Sa compagne avait mis quatre mois à se rendre compte de sa grossesse, avant d’accoucher par césarienne trois mois plus tard. Déjà en difficulté avec l’éducation de l’aîné, né un an plus tôt, l’homme, sans emploi stable, se retrouve totalement dépassé, aussi bien mentalement que financièrement, par l’arrivées des deux fillettes. Les services sociaux le décriront plus tard comme « immature dans sa façon de faire et de penser ».

À la barre, la mère a expliqué qu’elle s’en occupait seule la plupart du temps, quand lui préférait boire et se reposer. Les disputes et les violences conjugales, déjà bien installées dans leur quotidien, rendaient la vie impossible au foyer, n’arrangeant pas les pleurs des enfants. Excédé par le moindre cri des nourrissons, le mis en cause préfère pointer du doigt les capacités d’éducation de sa femme, et tentait toutes sortes de choses pour faire taire ses enfants.  L’aîné, lui, reçoit régulièrement des fessées. « Il a déjà dit aux bébés de fermer leurs gueules. Les pleurs l’énervaient tellement qu’il menaçait parfois de les jeter par la fenêtre. Il pouvait leur mettre des oreillers sur la tête, mais j’intervenais tout de suite. Quand il les secouait, il me disait de le laisser faire à sa façon », raconte la mère au tribunal. L’accusé se justifie par de la fatigue et du stress.

Elle les laisse seule trois jours, sa fille est handicapée à son retour

La dispute de trop éclate un jour de janvier. Apeurée, la mère part se réfugier quelques jours chez son père… sans les enfants. Non sans avoir, assure-t-elle, cherché en vain du lait adapté pour les enfants prématurés dans toutes les pharmacies du coin. Problème, le produit est en pénurie, et aucune officine n’a la bonne idée de lui indiquer que d’autres types de lait peuvent servir. « Mon père voulait que je récupère les enfants, mais j’avais trop peur de retourner à la maison », explique-t-elle. Les fillettes et leur aîné se retrouvent donc seuls avec leur père, et surtout sans nourriture. Pourtant entouré de ses deux frères dans la maison, l’accusé n’accepte pas l’aide de sa belle-sœur, inquiet des velléités d’adoption de celle-ci sur l’une des jumelles. Faute de mieux, il nourrit ses filles avec un mélange d’eau chaude et de sucre roux, un cocktail déjà expérimenté avec sa compagne lors de précédents jours de disette, quand celle-ci n’avait pas assez de lait à offrir aux deux nouveau-nées.

Rentrée trois jours plus tard, la mère des enfants trouve sa belle-sœur affolée. L’une des deux jumelles, la plus colérique, ne s’alimente plus, peine à respirer et présente un teint pâle. D’après la famille, elle serait tombée de son matelas et aurait été secouée à plusieurs reprises par son père. Les différents examens de médecins révèlent l’infirmité permanente de la fillette, et les spécialistes font le lien avec des secousses subies par l’enfant. Un signalement est effectué au parquet, l’enquête est lancée et les témoignages familiaux s’accumulent, faisant état de maltraitance régulières de cet homme complètement dépassé et pourtant informé des risques au moment de manipuler un nourrisson. Il apparaît alors que les services sociaux s’apprêtaient à se saisir du cas de cette famille, une question de jours…

Peu bavard à la barre, malgré l’insistance de la présidente pour en apprendre plus sur lui, l’accusé a trouvé un premier soutien dans le témoignage de l’assistante sociale de la famille. Elle a notamment décrit un homme traumatisé par l’assassinat de sa mère il y a une dizaine d’années, incapable de faire son deuil. Et raconté son enfance empreinte de violences et de brimades. Vendredi, les experts médicaux sont attendus à la barre. Pour les faits qui lui sont reprochés le père encourt 20 ans de réclusion.