L’annonce d’une possible implantation d’un magasin Champion au PK21 à Paea a plongé les commerçants locaux, déjà nombreux, dans l’inquiétude.
C’est par hasard que les commerçants de Paea ont appris que le groupe Wane souhaitait implanter un magasin Champion sur leur commune, lorsqu’un adjoint au maire a dit à l’un d’entre eux que la mairie avait reçu un représentant du groupe il y a deux mois. Effectivement, le 6 avril dernier, une demande d’implantation d’un magasin de 780 m2, sur une parcelle d’un peu plus de 4 000 m2 entre route et lagon, a été déposée à l’Autorité polynésienne de la concurrence, révélait hier La Dépêche de Tahiti. L’avis de l’APC doit être rendu au plus tard mi-mai. La commune, elle, n’a pas encore donné son avis.
Au plan légal, rien ne semble s’y opposer : il s’agit ici de « croissance interne » d’un opérateur existant, et non pas d’un rachat qui pourrait enfreindre la réglementation sur la concentration. Et en matière de droit de la concurrence, dans nos économies libérales la liberté est la règle, l’interdiction l’exception. Mais « il n’y a plus de place » pour un nouveau supermarché sur cette commune, plaide Stéphane Jimenez, le P-Dg de Happy Market à Paea, à deux kilomètres du site choisi par Champion. « Et puis Wane, ils ne font pas de petits projets, généralement. Pour eux, en termes de chiffre d’affaires, à plein régime ça devrait avoisiner 1,2 ou 1,5 milliard. »
« Si nous on est obligés de licencier ou de fermer, ça avance à quoi ? »
Champion prévoit donc de s’implanter au PK21, avec un magasin côté mer, et des bureaux côté montagne. Un projet qui date de plusieurs années (il était alors question d’une enseigne Easy Market), mais qui refait surface aujourd’hui. Huit commerces de Paea, supermarchés (LS Proxi, Happy Market) comme magasins de quartier (Orofero, Laut, Marché Fraîcheur Paea, …), ont adressé à la dernière minute un courrier à l’APC pour manifester leur opposition ce projet, et leurs représentants ont été reçus mardi par la personne en charge d’instruire le dossier. Ils pointent que sur l’ile de Tahiti, le groupe Wane détient déjà 56,1% des parts de marché, selon les chiffres publiés par l’APC elle-même : « Donc là s’il n’est pas en position d’hyper dominance, je ne sais pas comment ça s’appelle. Ça n’existe nulle part ailleurs, ça ! » conclut Stéphane Jimenez. Les commerçants de Paea espèrent aussi que l’APC, comme elle l’a fait dans le dossier d’un magasin à Papara, déterminera la « zone de chalandise » selon un trajet de 15 minutes en voiture et non pas seulement sur la commune elle-même. Seraient alors pris en considération, dans les possibilités offertes au consommateur, les nombreux magasins des communes voisines.
Les propriétaires des petits magasins, eux, hésitent à s’exprimer publiquement. L’un d’entre eux souligne qu’en termes de population, « il n’y a pas eu beaucoup de croissance sur Paea » ces dernières années ; « On essaye de faire du commerce, mais on ne peut pas se projeter dans l’avenir ». Un autre rappelle, fataliste, que lui aussi est dépendant du groupe Wane pour une partie de ses achats en gros. Mais lâche tout de même : « ils peuvent dire à la mairie qu’ils vont créer de l’emploi, mais si nous on est obligés de licencier ou de fermer, ça avance à quoi ? ». Un troisième conclut : « Moi je ne trouve pas normal qu’un terrain en bord de mer soit bétonné pour faire un supermarché et des parkings. »
Si la décision de l’APC était favorable au groupe Wane, disent les commerçants, ils envisageront de la contester devant la justice administrative.