ACTUS LOCALESSOCIÉTÉ

Une balle connectée pour faire le ménage dans les canalisations d’eaux usées


Les agents de la Polynésienne des eaux testent depuis quelques jours, pour la première fois en Polynésie, la SewerBall. Pas plus grande qu’une balle de tennis, bardée de capteurs, elle a été développée par la maison-mère Suez pour aller explorer plus facilement et plus rapidement les réseaux d’assainissement. Au fil des canalisations, elle analyse la qualité et les propriétés des liquides rencontrés. Bien pratique pour trouver l’origine des eaux parasites, pluviales ou marines, qui pèsent lourd sur les équipements du réseau et des stations d’épuration. Et coûtent donc très chers aux usagers.

Elle a tout d’un jouet, cette petite sphère blanche et orange, pas plus grosse qu’une balle de tennis, et animée par quelques led colorées. L’objet est pourtant pris très au sérieux par la demi-douzaine de techniciens de la Polynésienne des eaux, qui, à Bora Bora et Punaauia, ont été formés à l’utiliser ces derniers jours. Et pour cause : ce concentré de technologies, développé par la maison mère Suez voilà un an et demi et qui vient de débarquer en Polynésie, a de quoi leur ramener des flots d’informations. Pour ça, il suffit de placer la « SewerBall » – c’est son nom déposé – dans un égout ou une canalisation quelconque, la laisser se déplacer au fil des eaux usées et faire en sorte de la récupérer quelques dizaines ou plusieurs centaines de mètres plus loin. La balle – dont les trois versions ont chacun leur diamètre et leurs capacités – fait le reste, avec ses capteurs en tout genre.

Analyser un tronçon en une heure au lieu d’une semaine

« On a sur la plus petite la température et la conductivité, et sur la plus grosse, on a en plus le pH et le potentiel Redox (qui mesure des équilibres chimiques, ndr), explique Thibaud Maruejouls, responsable de projet de recherche et innovation chez Suez, envoyé par le groupe français pour déployer l’outil au sein de la filiale polynésienne. Ça ce sont les capteurs visibles qui vont vraiment permettre d’analyser la qualité de l’eau, mais en plus de ça, à l’intérieur de la balle, c’est bardé d’autres capteurs qui permettent de mieux comprendre le contexte : centrale inertielle, accéléromètre, gyroscope, magnétomètre, et même un capteur de lumière qui nous permet de savoir quand on passe sur une partie ajourée, ce qui va nous permettre de corriger la géolocalisation calculée à posteriori ». Une des versions de la SewerBall dispose même d’une caméra 360° pour aller plus loin dans la recherche d’anomalies dans une canalisation.

Autant d’informations qui vont être traitées par une application spécialisée – là encore développée par Suez – et presque instantanément condensées dans un rapport numérique rempli de graphiques et de cartes interactives. Ça n’est pas la première fois, bien sûr que la Polynésienne des eaux, qui est, entre autres missions, en charge de l’exploitation des réseaux d’assainissement de Bora Bora et Punaauia, peut collecter des informations sur l’intérieur des conduites et tuyaux. Mais il fallait jusqu’à présent s’armer de matériel plus lourd – des caméras robotisées qui remontent péniblement les conduites – et de beaucoup patience pour identifier et localiser des anomalies sur une zone donnée.

La SewerBall visite ainsi en une heure des tronçons qu’il aurait fallu une semaine à analyser, et sans avoir besoin de bloquer une rue. « Cette nouvelle technologie, c’est un gain de temps pour les opérateurs, parce qu’ils vont pouvoir intervenir pour diagnostiquer des défauts sur des réseaux beaucoup plus rapidement, beaucoup plus facilement, qu’avec des caméras classiques, confirme Mathieu Desetres, le directeur général de la Polynésienne des eaux. Pour les clients et nous, c’est vraiment une opération gagnant gagnant ». 

À la recherche des eaux parasites, qui pèsent sur le réseau et les finances

Mais qu’est ce que recherchent les techniciens dans ces égouts où coulent nos eaux usées ? Des liquides qui n’ont rien à y faire. Et principalement des « eaux claires parasites ». Ces « ECP » peuvent provenir de la mer, des nappes phréatiques, ou, de façon plus ponctuelle mais tout aussi problématique, de la pluie. Du fait d’infiltrations ou de mauvais « aiguillages » – souvent du côté des parties « privées » du réseau – les eaux qui ruissellent par mauvais temps sont orientées vers les conduites d’eaux usées plutôt que vers celles, normalement distinctes, qui sont réservées à l’évacuation des eaux pluviales. Et ces ECP peuvent représenter un poids considérable sur le réseau, sur ses équipements… Et donc sur les finances.

« D’avoir des eaux pluviales supplémentaires qui entrent à l’intérieur de notre réseau, non seulement ça use de manière prématurée nos canalisations, explique Nicolas Bertholon, le président de la Sem Vaitama, en charge du réseau d’eaux usées de Punaauia, et qui a renouvelé son contrat avec la Polynésienne des eaux en début d’année. Mais comme l’eau est renvoyée vers la station d’épuration par des postes de refoulement avec des pompes qui fonctionnent à l’électricité, c‘est facile de comprendre qu’au lieu de pomper une centaine de litres on va en pomper 2000, parce qu’elle est mélangée avec de l’eau de pluie, et que forcément on va user prématurément la pompe et consommer 20 fois plus d’électricité ».

Les grandes quantités d’eaux parasites observées à chaque grosse pluie à Punaauia pèsent aussi sur la station d’épuration elle-même, dont le fonctionnement peut en outre être perturbé par des arrivées d’eau salée. Autant de « parasites » que la Sewerball, dont l’utilisation faisait partie des propositions contractuelles de la Polynésienne des Eaux lors des derniers renouvellement de marché à Punaauia et Bora Bora, va permettre de mieux caractériser, de mieux repérer, de mieux cartographier. Aux autorités, ensuite, de lancer les interventions nécessaires pour tarir les sources d’ECP… ou demander aux privés responsables de leur infiltration d’agir, sous peine de pénalités.

La petite balle, aussi utilisable dans une configuration « fixe » pour mesurer la qualité de l’eau en un point du réseau sur plusieurs heures ou plusieurs jours, pourrait aussi servir à identifier des rejets industriels indésirables ou interdits. Car oui, comme le rappelle Thibaud Maruejouls, « on peut polluer un réseau d’eaux usées ».

 

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