Après avoir bouclé les discussions difficiles sur le budget 2024 du CHPF – voté jeudi à hauteur 30,6 milliards de francs – le ministre de la Santé Cédric Mercadal lance une phase de réorganisation de la structure juridique de la santé polynésienne. Une direction des hôpitaux et des soins doit être créée, les statuts du Taaone et d’autres établissements doivent être revus et des conventions collectives doivent être signées… Objectif : avoir une gestion plus cohérente, plus efficace et donc moins coûteuse du réseau de santé et de son personnel.
Des heures de discussion, et deux sentiments partagés, vendredi, entre les autorités de santé, la CPS et les représentants du Taaone. Le soulagement d’avoir avancé, mais aussi la conscience que les problèmes sont loin d’être réglés. La veille, en fin de journée, le conseil d’administration du CHPF était parvenu, après une longue pause de négociations à la mi-journée, à voter le budget de l’établissement public. 30,6 milliards de francs, 26,2 en excluant les budgets annexes du Samu, de l’Hospitel, la psychiatrie, du centre de transfusion sanguine, ou encore de l’Unité médico-judiciaire, ce dernier étant entièrement pris en charge par l’État.
1,7 milliard, entre autres pour maintenir les nouveaux contrats
Pour boucler ce budget et les discussions, il a fallu des compromis « de tous les côtés », notent les syndicats, et ade longues tractations du ministère de la Santé. À la fois avec les représentants du personnel et avec le ministère des Finances, aussi représentés au sein au conseil. L’affaire a même été jusqu’à un arbitrage présidentiel, qui a abouti à la validation d’une rallonge du Pays de 1,7 milliard de francs, à voter lors du premier collectif budgétaire de l’année, en avril. « Un effort conséquent » qui n’est pas isolé rappelle Cédric Mercadal. 1,6 milliard supplémentaires avaient déjà été consentis, par une augmentation de la Dotation générale de fonctionnement de l’hôpital, établie à 14,4 milliards de francs en fin d’année dernière. Il s’agissait aussi d’absorber la baisse des remboursements de la sécurité sociale métropolitaine : les tarifs facturés par le centre polynésiens aux ressortissants du régime national avaient été jugés illégalement hauts par la justice administrative en 2022.
Cette deuxième rallonge, de 1,7 milliard, répond, elle, à une « demande forte » des représentants du personnel et des soignants, qui avaient besoin d’une « bouffée d’air » et d’un « geste de soutien », comme l’assure le ministre. À l’entendre, une majeure partie de la somme doit être dirigée vers les dépenses de personnel, « afin de pouvoir aider à maintenir les contrats qui ont été actés lors du dernier mouvement de grève », voilà un an.
Syndicat et élus de la commission médicale d’établissement, qui représentent, avec les représentants de l’ordre, 5 administrateurs sur 11, se sont tout de même abstenus lors du vote du budget, se disant « satisfaits des échanges », mais « vigilants à la manière dont les fonds vont être fléchés ».
Une direction chapeau pour « mutualiser, rationaliser, optimiser »
Quoiqu’il en soit, personne, autour de la table du conseil d’administration, ne considère ce vote comme une fin en soi. « C’est un budget de transition », résume Cédric Mercadal qui dit avoir lancé les grands chantiers sur la réorganisation des établissements publics de santé. Car à entendre le ministre comme les syndicats, le Taaone souffre de statuts datés, de mode de fonctionnement, en matière de comptabilité notamment, qui ont survécu à « l’ère Mamao » et ne sont plus adaptés aux besoins de santé du fenua et à la réalité du travail des soignants. Les problèmes de « recrutement, de financement et de programmation » ne touchent d’ailleurs pas seulement le Taaone : « toutes les structures ont les mêmes difficultés, tous les personnels soignant aussi », reprend le ministre.
Dès le mois d’avril, au moment où le collectif budgétaire sera voté, une première version d’un texte sur l’organisation des établissements publics de santé et la réorganisation des systèmes de soin doit être présentée aux partenaires sociaux. Ses mots d’ordre : la mutualisation des missions qui peuvent l’être – notamment les RH, les services informatiques, les achats, la gestion financière ou la gestion des bâtiments -, la « lisibilité » des financements, et l’harmonisation des statuts. Le gouvernement travaille, dans cette optique, sur l’idée d’une nouvelle Direction générale des hôpitaux et des soins, qui pourrait être créée dès cette année. Et qui chapeauterait la fois la Direction de la Santé, gestionnaire des hôpitaux périphériques et des dispensaires, le CHPF et le plus jeune ICPF.
Côté statuts du personnel, l’idée d’une fonction publique dédiée à l’hôpital – trop lourde à développer – est laissée de côté pour se concentrer sur un travail par convention collective. « Si on veut de la réactivité pour embaucher plus facilement des personnes et venir en soutien de nos soignants, il nous faut une stratégie d’attractivité qui passe par des négociations avec les praticiens, les personnels de santé » reprend Cédric Mercadal. L’harmonisation ne gomme pas la différenciation des personnels, prévient-il : « une personne dans les îles n’a pas les mêmes problématiques et les mêmes besoins qu’une personne au CHPF ».
Le cap officiel de ce grand chantier, c’est « l’optimisation de l’offre » pour le patient, et le retour de la sérénité pour le personnel. Mais, alors que la réforme de la PSG est aussi à l’ordre du jour de 2024, les objectifs d’économies ne sont pas oubliés. « On ne pourra pas donner chaque année des milliards et des milliards, clôt Cédric Mercadal. Il faut rationaliser, optimiser, c’est un passage obligé ».