Alors qu’était inaugurée ce mercredi la première grande ferme solaire issue de l’appel à projets de 2021, et que trois autres sites doivent être mis en service d’ici début décembre, Moetai Brotherson a assuré qu’une nouvelle procédure de mise en concurrence était en approche. Les « derniers résultats » d’une étude commandée à l’Ademe doivent indiquer si le Pays exigera ou pas du stockage par batterie sur chacun des sites comme c’est le cas de ceux qui sont raccordés ces jours-ci. Des arbitrages doivent aussi être terminés « rapidement » sur les investissements dans le réseau de transport.
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Plein soleil sur Taravao ce mercredi midi. Les discours d’inauguration de Mahana O’hiupe peuvent heureusement profiter d’une ombre généreuse : celle des 23 000 panneaux qui ont poussé, ces trois dernières années, sur le domaine Teariki. Un domaine familial, où sont élevés « depuis toujours » des bovins, et sur lequel Jo-nui Maau-Raoulx, après de longues hésitations, a accepté de voir se développer cette centrale photovoltaïque de 12 hectares. Il faut dire que les investisseurs – la famille Siu, alliée à la famille Lausan, à Vincent Law et au couple Bailey – ont accepté ses « conditions » : percher leurs installations à plus de trois mètres de haut, et ainsi permettre à la centaine de têtes de bétail de l’exploitation de continuer à paître. Lors de la mise en service, prévue « dans les quinze prochains jours », les 10,7 MW de puissance en crête, déverseront, grâce aux 1 428 batteries soigneusement alignées dans des conteneurs réfrigérés, une énergie « lissée » et surtout règlementairement « programmée », sur le réseau tahitien.
Le père Olivier, visiblement pas très habitué aux bénédictions de fermes solaires, aura de quoi s’exercer dans les prochaines semaines. Après Mahana O’hiupe, les projets Fare Meri, tout proche, et Fare Gouwe, un peu plus haut vers le plateau, devraient à leur tour être terminés. De même que la ferme de Manasolar de Mataeia où le groupe Moux a lui aussi fait le pari – partiel, cette fois – de « l’agrisolaire », avec des panneaux en serres ou en ombrières pour accueillir des plantations de fruits et légumes. Quatre fermes, 30MWc, une production équivalente à la consommation de 15 000 foyers et un bond de plus 5% du renouvelable dans le mix énergétique… La révolution photovoltaïque s’est fait attendre, mais elle est arrivée jusqu’au fenua.
Batteries sur le réseau ou dans les fermes ?
Mais pour les autorités comme pour les promoteurs privés, il faut déjà voir plus loin. Le cap énergétique de la Polynésie, affirmé en 2015 et pas démenti depuis, fixe à 75% la part de renouvelable dans le mix énergétique d’ici 2030, contre 36% avant la mise en production de ces fermes (et 45% à Tahiti). Il se combine, en outre, à la volonté, affichée cette fois dans le tout récent plan climat, de baisser de 50% les émissions de gaz à effet de serre du fenua. Impossible d’avancer vers ces objectifs sans développer davantage le solaire et notamment les grandes centrales. Quid, donc, de la « deuxième tranche » qui devait suivre l’appel à projets de 2021, celui qui a engendré ces quatre premières fermes ? Lancée en octobre 2023, elle avait été retirée quelques mois plus tard, sur fonds de critiques sur son cahier des charges inchangé.
Lors de la cérémonie de ce mercredi, Moetai Brotherson, fraichement revenu de la Hawaiki Nui – où il était allé célébrer une autre énergie, « l’huile de coude » – a annoncé que cette nouvelle procédure de mise en concurrence allait bien voir le jour. « On attend les derniers résultats d’une étude qu’on a commandé à l’Ademe, explique le président du Pays. La question qui se posait à nous, c’est un débat de spécialistes entre un stockage centralisé ou décentralisé, comme ça a été le cas pour la première tranche. On devrait j’espère avant la fin de l’année pouvoir lancer l’appel pour la deuxième tranche. »
Un appel attendu de pied ferme par les promoteurs, et pas seulement les lauréats de 2021. À l’époque, 17 dossiers avaient été déposés, et les résultats avaient fait plusieurs déçus, notamment l’attelage monté entre Mario Nouveau et le spécialiste français Sun’r ou le groupe Akuo Energy, très actif dans le reste de l’outre-mer et dans la région Pacifique et qui développe plusieurs projets avec les communes des Raromata’i.
Coactivité « obligatoire » et réseau de transport à revoir
La concurrence devrait être rude quelles que soit les conditions de l’appel à projets. Le président du Pays a d’ores et déjà annoncé que l’administration « imposera la coactivité sur l’ensemble des projets soumis ». Parmi les centrales bientôt en opération, seules celles d’EDT-Engie ne permettent pas une exploitation agricole sous les panneaux. « Ça nous parait essentiel, insiste Moetai Brotherson. Ça nous parait essentiel, les mètres carrés sont de plus en plus rares autour de Tahiti, on ne peut pas se permettre d’avoir uniquement du solaire sur des hectares. »
Mais c’est une autre question qui semble animer les discussions entre professionnels : le réseau électrique permettra-t-il d’absorber ces nouveaux projets ? D’après Gérard Siu, le développement du solaire est déjà limité par les équipements de transport électrique de la Presqu’île. « Rien que dans cette zone, on pourrait tripler les surfaces d’énergie renouvelable de ce type, seulement le tuyau qui nous permet d’écouler l’énergie est trop petit. Donc il faut que le Pays dimensionne la structure et permette à l’énergie produite d’être écoulée. C’est une des requêtes que nous allons formuler auprès du gouvernement. Quand on sait le potentiel de la zone, c’est un peu dommage de ne pas l’utiliser. »
La Tep, qui a aussi participé au raccordement physique de certaines des centrales, dit avoir déjà « accéléré » son programme d’investissement et de modernisation du réseau, ces dernières années, entre autres pour accueillir ces nouvelles unités de production. Mais un développement plus important du photovoltaïque nécessiterait des investissements « qui doivent venir des autorités », expliquent les professionnels ». La question « fait partie de l’étude » commandée à l’Ademe, assure Moetai Brotherson. Le président l’assure : « les astres devraient s’aligner rapidement » sur la montée en grade de la boucle Sud.
Vers des baisses du tarif électrique au Sud ?
Ce développement énergétique est aussi, bien sûr, très surveillé et accompagné par les maires du Sud de Tahiti, qui accueillent déjà sur leur commune une bonne partie des équipements hydroélectriques de l’île. « Nous souhaitons bien sûr que le mix énergétique soit beaucoup plus construit avec de l’énergie renouvelable, mais nous souhaitons aussi attirer du développement économique dans la zone », explique Tearii Alpha. Aucun doute pour le président de la communauté de communes Tereheamanu et maire de Teva i Uta, cela passe par une « baisse du prix du kilowattheure », déjà « discutée » au sein du Secosud, pour les familles « mais surtout pour les entreprises » qui y trouveraient une motivation supplémentaire pour s’implanter loin de Papeete. En clair : le Sud fournit les terrains pour produire cette énergie propre et moins cher, mais il en veut aussi une partie des fruits.