Bouteille de soyou, pot de peinture, couteau de cuisine, oreiller, ce n’est pas une liste de commissions mais l’inventaire des objets qui se sont transformés dans les mains d’un couple en armes de destruction massive dans le cadre d’une scène de ménage. Lui a été condamné à 6 mois de prison ferme et elle à 6 mois avec sursis.
Dans le box des accusés, Justin, 30 ans, arbore sur sa joue droite, au niveau des lèvres, une balafre de cinq centimètres qui lui a valu 5 points de suture. Hina, 26 ans, c’est une ecchymose de couleur pourpre qui lui mange toute la joue gauche. À la fois victimes et agresseurs, c’est pour violences conjugales qu’ils se retrouvent tous deux en comparution immédiate.
Les faits sont simples. Le couple est séparé mais se voit de temps à autre au domicile de Justin. Une cabane de tôle sans eau courante ni électricité. Lundi, Justin rentre du travail avec de la nourriture, il est fatigué et tout ce qu’il veut c’est se laver et se détendre.
La première chose qu’Hina lui demande quand il rentre c’est « Est-ce que tu as acheté de la taffe ? », car le couple s’adonne en commun à la recherche de paradis artificiels. Quelque peu énervé par sa demande – « Je rentre du boulot et au lieu de me dire si j’ai pris à manger elle me demande si j’ai pris à fumer. » Il lui rétorque que non, il n’a rien à fumer.
Elle ne dit rien, enfile ses écouteurs et s’en va plus loin écouter de la musique. Justin se lave et en fouillant dans ses affaires retrouve un stick d’herbe. Il l’allume, tire une taffe et s’en va proposer à Hina de faire de même. Sauf qu’elle n’a plus envie de fumer et lui fait savoir en lui tournant le dos. Les hostilités commencent.
Décontenancé par sa réaction, Justin l’asticote en lui enfonçant son doigt dans les cotes à plusieurs reprises. Énervant. Puis il s’empare d’un oreiller et la frappe avec, elle le repousse, s’empare d’un couteau et le frappe au niveau de la bouche : « je l’ai frappé à la bouche, exprès parce que c’est un menteur. »
Cinq jours d’ITT pour chacun
S’ensuit une échauffourée où tout vole dans la pièce. Pot de peinture, bouteille de soyou, coup de poing, coup de pieds etc… Au final, Justin s’empare lui aussi d’un couteau, le place sous la gorge de Hina, « du coté qui ne coupe pas » pour lui faire lâcher le sien. Elle obtempère. Résultat : hématome temporal, œdème à la joue gauche, ecchymose au bras, blessures au cuir chevelu et sur les jambes pour Hina et balafre pour Justin. Cinq jours d’ITT pour chacun.
Questionnée par le juge quant à savoir comment elle entrevoit son avenir, Hina explique « Si je reste avec lui, je voudrais qu’il change, qu’il arrête son ‘tapage de femme’ mais si on se sépare je demande une indemnisation totale de tout ce qu’il m’a fait subir depuis que je suis avec lui. » Il faut dire que la vie sentimentale de Hina est un peu compliquée. Séparée de Justin qui a fait quelques séjours en prison pour violences conjugales, elle vit avec un autre homme qui ne l’autorise à sortir que de temps en temps le week-end, mais elle aime encore Justin et passe le voir fréquemment pour lui laver son linge. Son nouveau tane est d’ailleurs au courant de ses agissements. De son côté Justin est célibataire et semble bien vivre cet état.
Pour l’avocate de Justin, « Ce qui a énervé mon client, c’est qu’il est rentré du travail avec des provisions pour elle et que le seul truc qui la préoccupait était le paka (…). Il travaille à la sueur de son front dans le bâtiment, il rentre et elle le harcèle sur le paka. Sa priorité n’était pas au paka mais d’abord de se doucher. Il lui a jeté les objets à la tête après avoir reçu le coup de couteau. »
« Ce n’est pas une manipulatrice »
La défense de Hina s’est attachée à démontrer que contrairement à l’impression que sa cliente donnait, « ce n’est pas une manipulatrice » comme l’a déclaré le procureur lors de ses réquisitions. Le regard de la jeune femme et ses rictus donnant cette impression. « Elle a été violentée pendant de nombreuses années, elle est perturbée, mais ce n’est pas une manipulatrice. Elle est marquée par les violences qu’elle a subies. »
Avant de partir délibérer, le juge comme à son habitude demande aux prévenus ce qu’ils pensaient de leur histoire. Si Hina a réitéré sa demande d’être indemnisée de ce tout ce qu’elle a subi, Justin lui tête baissée déclare dans un souffle : « Elle aurait dû me piquer là, désignant son cœur, comme ça je ne serais pas là. »
Hina a été condamnée à six mois de prison avec sursis. Quant à Justin, eu égard à son casier judiciaire, il a écopé de 10 mois de prison dont 4 avec sursis avec mandat de dépôt. « C’est moi qui va aller en prison ? Et pour mon travail ? Je ne travaille plus alors ? » s’inquiète Justin. « Vous pouvez toujours faire appel de la décision, monsieur », lui rétorque le juge.