(MàJ 17:00) Cinq pays membres confirment dans un communiqué qu’ils « démarrent le processus formel de retrait » du Forum des îles du Pacifique. Collin Tukuitonga, ancien directeur général de la Communauté du Pacifique et aujourd’hui doyen adjoint de la faculté de médecine de l’université d’Auckland, prédit la fin du Forum des îles du Pacifique et de l’Université du Pacifique Sud, deux piliers de la politique régionale, si des réformes ne sont pas faites rapidement.
Les dirigeants de Nauru, Kiribati, Palau, des îles Marshall et des États fédérés de Micronésie ont diffusé ce lundi un communiqué conjoint annonçant qu’ils « démarrent le processus formel de retrait » du Forum des îles du Pacifique, qui compte 18 pays ou territoires membres et un pays associé. « Il n’y a aucun intérêt à participer à une organisation qui ne respecte pas les accords établis, y compris les gentlemen’s agreements sur la rotation entre sous-régions ». La décision intervient une semaine après l’accession au poste de secrétaire général du FIP de Henry Puna, élu à une voix près devant le candidat proposé par les 5 pays micronésiens.
Dans un essai intitulé « Double crise à l’USP et au Forum des îles du Pacifique : une chance pour un avenir différent ? », publié par l’Australian National University, Collin Tukuitonga pose la question de la survie de deux institutions qui étaient montrées en exemple de coopération régionale, sur fond de Pacific Way, l’idéal de consensus dont les pays de la zone auraient le secret.
Un consensus que l’on peine à discerner, lorsque plusieurs pays micronésiens menacent de quitter le Forum des îles du Pacifique et que le gouvernement fidjien, à la nuit tombée, va chercher chez lui un vice-recteur et son épouse pour les coller dans le premier avion pour l’Australie, sans l’accord du conseil d’administration, parce qu’il a eu la mauvaise idée de critiquer la gestion financière de l’université. Dans ces conditions, demande l’auteur, qui voudrait y étudier ou y enseigner ?
« La confiance a été sérieusement érodée »
« En dépit de la rhétorique, le régionalisme a plutôt été un mariage arrangé qu’un objectif réellement partagé, écrit Collin Tukuitonga. Les engagements ont toujours été fragiles et conditionnels, et les besoins des états membres individuels prennent toujours le pas sur les besoins de la région. Les petits pays insulaires sont inquiets d’une possible perte de souveraineté et de l’influence démesurée des membres les plus importants. La confiance a été sérieusement érodée, et il est peu probable que ces deux institutions (et peut-être d’autres agences régionales) puissent survivre dans leur forme actuelle. »
Collin Tukuitonga estime « hautement probable » que les groupes sous-régionaux vont monter en puissance – le groupe des dirigeants polynésiens, le groupe Fer de lance mélanésien, le Sommet des présidents micronésiens sont déjà actifs à leur échelle, citant en exemple le câble Manatua qui reliera la Polynésie française, les Cook, les Samoa et Niue. « De nouvelles configurations permettraient à de nouvelles relations d’émerger tout en reconnaissant les différences de cultures, de systèmes politiques ou de développement économique. »
Un aveu d’échec pour l’Université du Pacifique Sud ?
Il plaide notamment pour que les étudiants post-bac se tournent vers les universités néo-zélandaises. « Les pays polynésiens pourraient préférer consacrer leur participation financière à l’UPS à la promotion d’initiatives qui soutiennent leurs propres cultures, économies et communautés plutôt que s’engager financièrement dans des organisations régionales dont les bénéfices sont incertains. Certains penseront que recentrer l’enseignement supérieur sur la Nouvelle-Zélande est une forme de néocolonialisme, mais ce serait une option stable et de qualité comparée à l’instabilité récurrente au sein de l’UPS. »*
« Il est peut-être temps de réviser les arrangements à l’intérieur de la région pour que tous les membres se sentent estimés et respectés », comme le conclut l’auteur, mais dans ces conditions, comment faire pour que la région Pacifique aie la voix forte et convaincante dont elle a besoin pour relever au niveau international les défis communs de lutte contre le changement climatique ou les crises sanitaires ?
*L’Université du Pacifique Sud couvre douze pays participants : les Fidji (sur trois campus), les Îles Cook, les Îles Marshall, les Îles Salomon, les Kiribati (campus à Teaoraereke), Nauru, Niue, la Nouvelle-Zélande (Tokelau), les Samoa, les Tonga, les Tuvalu et le Vanuatu. Pour la plupart de ces pays, elle constitue l’unique université. La Nouvelle-Zélande et la France font partie des soutiens financiers les plus importants de l’UPS.