De nouvelles négociations vont se tenir entre le gouvernement de Kiev, les chefs séparatistes et des représentants russes. Pour définitivement enterrer le conflit ? Rien n’est moins sûr.
Vrai réchauffement ou nouveau faux espoir? Difficile de savoir si la trêve qui s’ouvrira mardi entre le gouvernement central de Kiev et les séparatistes mènera à une paix durable autour de Louhansk et Donetsk, les deux bastions séparatistes de l’Est ukrainien. Toujours est-il que des pourparlers vont s’ouvrir mardi à Minsk, en Biélorussie. A la même table, les représentants des rebelles siègeront avec ceux de Kiev, de Moscou et de l’OSCE.
Ce deuxième cessez-le-feu sera-t-il plus durable que le premier ?
Un deuxième round après les premières négociations qui s’étaient déjà déroulées dans la capitale biélorusse en septembre dernier, avant que le cessez-le-feu soit largement bafoué des deux côtés. Même lieu, même destin? Au micro d’Europe 1, Philippe Comte, maître de conférence à Paris I et spécialiste de la civilisation russe, reste prudent quant à l’issue de cette nouvelle réunion : » Le précédent du 5 septembre (le cessez-le-feu sur lequel avait débouché le premier sommet NDLR) n’a pas été respecté. Sans être pessimiste, je doute que celui-ci le soit aussi. »
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Pour ce faire, Kiev et Moscou doivent tous deux faire des concessions
Et pour cause, depuis trois mois, les différentes parties sont restées chacune sur leur position. Or, « pour que la paix se rétablisse, il faut que la Russie cesse de soutenir les séparatistes et que le gouvernement central ukrainien accepte des formules d’autogestions locales pour l’est du pays », analyse Philippe Comte.
Comme l’explique le spécialiste de la Russie Jacques Sapir sur son blog, les exigences de chacune des parties seront difficiles à satisfaire. La solution de la fédéralisation de l’Ukraine, officiellement défendue par le Kremlin, n’est plus applicable en l’état. Les combats farouches qui ont opposé les militaires ukrainiens aux combattants séparatistes ont attisé les haines.
Autre point d’achoppement souligné par Jacques Sapir, la question de la monnaie. Aujourd’hui, Kiev maintien un blocus, qui pourrait bientôt amener les dirigeants des Républiques de Donetsk et de Louhansk à créer leur propre monnaie… ou adopter le rouble russe.
Néanmoins, un élément a changé depuis : le temps joue pour Kiev et contre Moscou. « Plus le temps passe, plus la situation de la Russie est délicate, car l’Ukraine se refait une santé sur tous les plans », explique Philippe Comte. Et le chercheur de poursuivre : « Mais l’effondrement actuel du rouble peut être à double tranchant. » En effet, l’affaiblissement économique russe « permet à la propagande du Kremlin de marteler que l’Occident est le principal responsable de la situation dans laquelle se trouve la Russie aujourd’hui ».
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Et la communauté internationale doit renouer le contact avec Poutine
Philippe Comte affirme qu’après le sommet du G20 à Brisbane où il a reçu un accueil glacial, Vladimir Poutine a désormais « besoin de parler aux dirigeants occidentaux ». C’est là où « le président Hollande a joué une carte très habile » selon lui, en rencontrant le président russe à l’aéroport de Moscou le 6 décembre. François Hollande est le premier chef d’Etat occidental à rencontrer Vladimir Poutine en Russie depuis le début du conflit ukrainien.
« C’est toujours bon de se parler », enchaîne Philippe Comte, « car c’est un des torts de l’UE d’avoir si peu dialogué avec le Kremlin en 2011-2012, quand se préparait le conflit ukrainien. » L’universitaire affirme que le dialogue peut permettre de comprendre la vision de chacun. Spécialiste de la civilisation russe, il rappelle que « l’est de l’Ukraine fait partie de la Moscovie et de l’Empire russe depuis 1783 ». Reste à savoir si la médiation internationale et le retour en grâce de la Russie parmi le concert des Nations aura une incidence sur le conflit ukrainien.