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Victime d’une infection à l’œil sur un chantier, il attaque ses employeurs

©Pascal Bastianaggi

Un peintre en bâtiment attaquait ses ex-employeurs devant le tribunal, après avoir développé une infection à un œil, alors qu’il affirmait ne pas avoir été obligé de porter des lunettes de protection sur le chantier de la résidence Sky Nui. L’ancien co-gérant et le représentant légal de la société ont finalement été relaxés, puisque le tribunal n’a pas pu établir que la victime ne portait pas ces lunettes au moment de son exposition aux poussières.

C’est une petite poussière dans l’œil devenue un gros grain de sable pour deux entrepreneurs. Tous deux étaient convoqués en correctionnelle ce mardi à Papeete. L’un, en qualité d’ancien co-gérant, pour « blessures par la violation manifestement délibérée d’une obligatoire de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail », le second, comme représentant légal de la société, mis en cause pour « blessures involontaires par personne morale dans le cadre du travail ».

Des lacunes sur la règlementation

Les faits remontent à 2019. À l’époque, la victime, peintre en bâtiment, œuvre sur le chantier de la résidence Skynui, principalement sur des travaux de ponçage et de finitions, sans porter de lunettes de protection. En août 2019, il commence à se plaindre de troubles de la vue et de douleurs à un œil. Au CHPF, les médecins lui diagnostiquent un abcès à la cornée, et prescrivent 26 jours d’ITT. Après son arrêt, l’homme reprend son poste, mais le quitte trois jours plus tard. Et se décide finalement à porter plainte en juillet 2020, un an après le diagnostic de cette infection, dont il traîne encore les séquelles, puisqu’il passera par la case opération en septembre.

Dans son combat pour obtenir réparation, l’homme a pour lui des constatations médicales accablantes. Près de 3,5 centimètres de poussières ont été retrouvé dans son œil. Pour les médecins, il existe un lien direct entre son travail, son exposition aux particules et son abcès à la cornée. Et surtout, la procédure a mis à jour l’absence totale de contrôle sur les équipements de sécurité des salariés : aucune d’obligation de porter des lunettes de protection, qui étaient certes à disposition, et aucun système d’aspiration et d’aération de la poussière. Des points réglementaires sur lesquels les deux entrepreneurs se montrent très imprécis.

Les deux prévenus relaxés

À la barre le représentant de la société estime que la victime « veut de l’argent ». Interrogé sur le curieux délai observé pour déclarer l’accident du travail, dix jours après sa visite médicale, il explique qu’il « n’a pas l’habitude d’avoir des accidents du travail » dans l’entreprise. « Il y a énormément de poussière sur le chantier, on le sait, ils ont le matériel mais ils ne l’utilisent pas », poursuit-il. Un certain laisser-aller sur le règlement, qui avait été confirmé par le témoignage du chef du chantier concerné. Lors de son audition, il avait expliqué que certains ouvriers portaient des lunettes de soleil et qu’il n’avait jamais obligé qui que ce soit à porter des protections adéquates, puisque ce n’était « pas à moi de vérifier ».

Pas de doute pour la procureure, l’ancien co-gérant et celui qui est toujours aux manettes de la société ont bien failli à leurs obligations de sécurité. Elle requiert 3 mois de prison avec sursis et 50 000 francs d’amende pour l’ancien co-gérant, et 500 000 francs d’amende pour la société. Des réquisitions qui n’ont pas fait mouche sur le tribunal, qui a décidé de relaxer les deux hommes et la société, n’ayant pu établir que la victime ne portait pas ses lunettes de protection au moment de l’accident du travail en question. Les deux hommes sont ressortis du tribunal, l’air soulagé d’en finir avec ce fichu grain de sable.