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Village tahitien, ex-Casino, RDO… Le Pays souffle le chaud et le froid à Punaauia

©Mairie de Punaauia

Au centre des échanges, ce mercredi, entre Moetai Brotherson et Simplicio Lissant, le nord de Punaauia et ses multiples projets d’aménagement. Le tavana de Punaauia a présenté au président le pôle « à dominante culturelle » qu’il veut construire dans les murs de l’ancien Géant Casino et les aménagements prévus dans le quartier alentour. Son équipe milite notamment pour une « coulée verte » qui recouvrirait la voie rapide. Le gouvernement a interpellé sur le coût d’un tel enfouissement, mais a apporté des garanties à la mairie sur son implication dans le projet de Village Tahitien, en pleine révision. Et détaillé les idées « en compétition » pour les plateaux d’Outumaoro.

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À Punaauia, « ça faisait longtemps » qu’on voulait un « grand échange » avec le gouvernement. Alors autant en profiter : cette séance délocalisée du conseil des ministres, la neuvième depuis le début de la mandature, a largement débordé des horaires prévus à l’agenda officiel. Le Pays ne s’est pas non plus fait prier : la commune de la côte Ouest, deuxième du fenua en termes de population, juste derrière Faa’a, est aussi celle, du fait de sa position et du foncier disponible, qui présente les plus grandes opportunités de développement pour Tahiti. Notamment autour du quartier d’Outumaoro, où sont rassemblés 5000 habitants aux niveaux de vie très hétérogènes, un pôle scolaire et universitaire, et un pôle économique de premier ordre, de la marina Taina au centre Moana Nui. Une zone sur laquelle se croisent des terrains communaux et du foncier Pays, et pour laquelle il y avait donc « beaucoup à discuter » ce mercredi.

Une zone pleine « d’idées », mais avec peu d’avancées

La mairie ne s’en cache pas : cette partie Nord de Punaauia a connu beaucoup de déconvenues, ou en tout cas des « contretemps », ces dernières années. Le PRU, programme de rénovation urbaine signé avec l’État et le Pays dès 2017 n’a pour l’instant pas permis – pas faute d’insistance côté commune – de transformer le quartier d’Outumaoro comme c’est toujours envisagé. En bordure de cette zone, l’ex – Géant Casino, racheté en 2020, au terme d’une procédure de préemption mouvementée, s’est certes offert un ravalement de façade remarqué, mais attend toujours un grand chantier pour devenir « l’établissement public à dominance culturelle » rêvé. De l’autre côté de la voie rapide, le projet, du Pays cette fois, de centre de Congrès sur les plateaux d’Outumaoro a été abandonné sous l’ancienne mandature, celui de pôle de santé unique n’est plus non plus d’actualité depuis la nouvelle. Côté mer, le Village Tahitien, déjà embourbé dans les procédures d’attribution et les effets d’annonce sous l’ère Fritch, a été suspendu par Moetai Brotherson le temps de revoir et corriger le projet.

Bref du côté mairie comme Pays, rien n’est abandonné mais tout est à faire. Pour Simplicio Lissant, pas de secret : la seule façon de concrétiser, c’est de « travailler ensemble ». « On a beaucoup d’idées, de bonnes réflexions autour des aménagements nécessaires, je crois que le Pays en est conscient depuis fort longtemps. Maintenant il faut avancer, et trouver des financements, explique le tavana. Dans des aménagements d’envergure comme ça, il faut phaser, c’est le travail qu’on a commencé à faire avec le gouvernement. Et l’essentiel, aujourd’hui, c’est qu’on a des éléments de réponses qu’on peut partager avec la population ».

Le Village Tahitien version Fritch jugé « pas viable »

Les éléments de réponses, le Pays en a effectivement fournis au cours des longues discussions en salle du conseil municipal, ou lors des visites de terrain de l’après-midi. Mais souvent en rappelant que les décisions fermes restaient à être prises. Comme sur le Village Tahitien. La vocation touristique de l’ancien site du Maeva Beach est bien maintenue et la mairie sera bien impliquée dans la réflexion et l’aménagement, a rassuré Moetai Brotherson. Mais là où certains s’attendaient à des annonces – des nouvelles des « investisseurs de Singapour », par exemple – le président n’a donné ni calendrier, ni plans concrets sur ce grand projet.

POur l’instant, c’est la réflexion qui avance, assure-t-il : une étude menée par « KPMG Hospitality International » sur un schéma d’hébergement terrestre et maritime à l’échelle de la Société doit rendre ses premiers résultats ces jours-ci. De quoi « vérifier que ce qui était prévu dans l’appel à projets de nos prédécesseurs », à savoir un complexe de plus de 900 clés, est « en phase avec nous ce que nous envisageons ». Et le président a visiblement de quoi présager des résultats : « Aujourd’hui Tahiti n’est pas une destination touristique en soi, mais une île de transit, explique le membre du gouvernement en charge du tourisme. Et donc, selon les calculs que nous, nous avons pu faire avec deux jours de durée de séjour sur Tahiti, un à l’aller, un au retour, on aboutirait à un taux d’occupation de ces de ces hôtels qui ne dépasserait pas les 35%. Ce projet n’était pas viable en soi« .

Faut-il revoir la stratégie touristique, plutôt tournée vers le développement des archipels, pour fixer les clients au moins une semaine à Tahiti ? Ou faut-il « adapter le format » du Village Tahitien ? C’est la question, avec semble-t-il un avantage à la deuxième option. Moetai Brotherson se dit pourtant prêt à « tout envisager » sur ce sujet. Ou à discuter avec les lauréats désignés début 2023 par le gouvernement Fritch – les groupes Wane, Moux, Pacific Beachcomber ou la SAS Poe Ura – « s’il y a besoin de faire évoluer les projets » sur leurs lots respectifs. Quoiqu’il arrive, il faudra trancher « avant la fin de l’année ».

L’enfouissement de la RDO trop cher en l’état

Le Village Tahitien, malgré l’énorme potentiel de développement économique qu’il fait miroiter, a toujours eu un défaut notoire pour la mairie de Punaauia : la cloison qu’il installe entre un pôle hôtelier luxueux sur le littoral et des quartiers populaires côté montagne. « On a le village d’un côté, les Tahitiens de l’autre, et au milieu la RDO » résument plusieurs responsables. Pour assurer le « continuum », la vieille passerelle piétonne ne suffit pas. La mairie a imaginé, dans le cadre du PRU, une « coulée de verte », pleine de verdure et d’espaces de loisirs, qui descendrait du bas de quartier Fuller jusqu’à l’autre côté de la voie rapide. Ce qui implique d’enterrer cette quasi-autoroute sur plusieurs centaines de mètres.

L’idée, séduisante sur le papier, ne fait pas rêver le ministre des Grands travaux Jordy Chan qui l’a rapidement chiffré, devant des élus de Punaauia prêts à débattre, à au moins 10 milliards de francs. « Sur le principe c’est chouette. En pratique ça coûte énormément d’argent. Ça coûte finalement le budget annuel de la Direction de l’équipement, reprend Moetai Brotherson. Donc ça veut dire que si on fait ça en fonds propres, on ne fait plus rien d’autre, on ne fait plus de quais, on ne rénove plus de route, on ne fait plus rien. Donc ce qu’on a expliqué à la mairie et ce qu’on a exprimé lors de notre précédent déplacement à Paris, c’est cette volonté de voir une réévaluation du troisième instrument financier, qui est celui qui finance principalement les infrastructures ».

Le Pays regarde donc du côté de l’État, en précisant que cet instrument financier, contrairement à d’autres, n’est pas indexé sur les prix et n’a pas été réévalué depuis sa négociation en 2011. « Concrètement, avec +35% de l’indice du BTP entre 2011 et aujourd’hui, on fait un tiers de projets en moins avec le même budget », note le président du Pays. Le sujet devrait être abordé plus en détail lors du congrès des maires de Tubuai. Et bien sûr avec le nouveau gouvernement attendu à Paris. 

Des projets « en compétition » pour les plateaux d’Outumaoro

La mairie était aussi curieuse de savoir quels étaient les plans du gouvernement Tavini pour les grands plateaux d’Outumaoro, où se déploient périodiquement, les foires, le cirque de Samoa ou les papio. Exit les salles de spectacles ou le coûteux centre de congrès, le gouvernement Brotherson a présenté d’autres options d’infrastructures. « La moitié du plateau supérieur, qui jouxte l’école hôtelière, est destinée au futur Centre des Métiers et de l’Artisanat, puisque le centre actuel, à Papeete, est en train de s’écrouler sur lui-même, détaille le président. Pour le reste, il y a une compétition entre les ministères entre ceux qui veulent faire pourquoi pas un lycée, une zone dédiée aux transports aux communs. Il y aussi des projets privés, plusieurs usages possibles, on n’a pas encore tranché et on doit faire un conseil interministériel sur les aménagements globaux pour décider de ce qu’on va faire là ».

Beaucoup de questions en attente de réponses donc. La mairie de Punaauia cherche à en avoir un maximum avant d’avancer dans ses propres projets. Et notamment celui de la réhabilitation de l’ancien Géant Casino, qui doit devenir un pôle culturel municipal. Salle de spectacle, salle de danse pour les répétitions de groupes, studios musicaux, bureaux ou ateliers d’artisanat… Le potentiel est « énorme » dans les 5000 mètres carrés de l’ancien hypermarché, pour ne compter que l’intérieur, doté de 150 places de parking. La mairie, qui entrevoit déjà une « facture qui chatouille le milliard », s’est déjà adressé à l’État auprès de qui elle pourrait bénéficier d’aides du Fonds vert au titre de la réhabilitation de friches industrielles, entre autres. Le Pays, compétent en matière de culture et qui gère les espaces qui font face à l’ancien Casino et au quartier Fuller, est aussi appelé à contribuer. « On a besoin, pour avancer, d’en savoir plus sur les aménagements alentours, dont beaucoup dépendent du Pays », note Simplicio Lissant, pour qui la journée de ce mercredi aura permis, à défaut de « concrétiser » des plans, d’intensifier les échanges avec le gouvernement.

 

 

 

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