Moetai Brotherson l’a précisé en marge des négociations de la grève des PNC : les augmentations de fréquence d’Air France ou l’arrivée de Delta ont « mis en difficulté » Air Tahiti Nui, qui ne pourra pas tenir très longtemps la guerre des prix. Au gouvernement, une réflexion est en cours pour protéger le « petit poucet » ATN face aux « géants » internationaux, le tout sans « brider » le tourisme. Équation difficile.
Lundi soir à la présidence, on parlait de salaire de base, de primes, de temps de vols ou temps d’escale, mais pas seulement… À l’occasion des négociations, reprises en main par Moetai Brotherson, sur la grève du personnel navigant d’ATN, c’est tout le contexte économique de l’aérien international qui a été évoqué. Un contexte qui contraint de plus en plus les finances de la compagnie du Pays. La reprise en flèche du tourisme ces derniers mois a certes profité à toute la filière au fenua. Mais dans le ciel on joue toujours des coudes pour s’arroger des parts du marché polynésien. Une bataille qui implique pour les compagnies des sacrifices financiers, surtout dans un contexte d’inflation généralisée et de volatilité du prix des carburants.
Pas les mêmes armes
Contrairement à la plupart des lignes mondiales, « les tarifs n’ont pas augmenté en même temps que les charges », sur la desserte de la Polynésie, rappelait ainsi Moetai Brotherson à la sortie de la salle de négociation. Or, dans ce combat des prix, tout le monde n’est pas armé de la même façon, pointe le président : Air Tahiti Nui, « petit poucet » du marché avec ses quatre avions, ne peut pas rivaliser avec des « géants » internationaux dont les sources de revenus sont bien plus diverses et les coûts bien plus dilués. « Ils ont une capacité à faire baisser des prix sur notre destination sans avoir les mêmes répercussions », ajoute le membre du gouvernement en charge du tourisme et du transport aérien international.
C’est dans ce contexte, donc, que se pose la question des fréquences de desserte de la Polynésie, qui se sont largement étoffés. Il y avait eu l’arrivée de French Bee puis de United en 2018, bien sûr. Mais depuis la reprise des vols post-Covid la piste de Tahiti – Faa’a a connu un nouveau pic d’atterrissage de long-courriers. Dès le début 2022, Air France demandait et obtenait du gouvernement un passage de 3 à 5 fréquences sur toute l’année, et plus seulement en saison haute. S’est ajouté, en décembre dernier, et de nouveau avec l’aval – sous conditions – du gouvernement d’Édouard Fritch, le premier Los Angeles – Papeete de Delta Airlines.
« Des questions » sur le maintien de certaines fréquences
La « saison test » de la major américaine a duré jusqu’en mars et avait déjà à l’époque, provoqué l’inquiétude d’Air Tahiti Nui. Michel Monvoisin dénonçait la volonté de Delta de « s’acheter des parts de marché » sur la destination Tahiti, en mettant la pression sur les prix, et pourquoi pas en faisant tomber un ou deux concurrents au passage. « On va battre sur les prix, bien sûr, mais une compagnie aérienne, c’est un commerce comme un autre, ça a besoin d’être rentable, expliquait le PDG de la compagnie au tiare sur notre plateau en octobre 2022. Et aujourd’hui la rentabilité des compagnies aérienne sur la destination Polynésie n’y est pas ». Rien n’indique que la situation s’est améliorée après 9 mois d’inflation mondiale. Et Delta, aux dernières nouvelles, est toujours décidée à s’implanter durablement sur le LAX – PPT, à partir d’octobre
Une présence semble-t-il au cœur de la réflexion du gouvernement. « Vont se poser des questions sur ces fréquences supplémentaires, sur l’accueil d’autres compagnies, sur cette augmentation de capacité qui a été accordée par les équipes précédentes, et qui évidemment a mis en difficulté ATN », expliquait hier soir Moetai Brotherson.
Le président l’assume, donc : il prendra les décisions nécessaires pour sauvegarder l’activité – et les emplois – de la compagnie du Pays. « La concurrence, j’ai toujours été pour, mais il faut qu’elle s’applique de manière équilibrée », insiste celui qui est directement en charge du tourisme et du transport aérien international au sein du gouvernement. L’équation est bien sûr difficile : « Il ne faut pas brider la capacité de transports de nos touristes, mais ne pas scier la branche sur laquelle on est assis ».
Des propos qui ont déjà été salués par les syndicats de la compagnie, et qui ont surtout dû ravir leur direction. Michel Monvoisin l’a plusieurs fois répété ces derniers mois : l’activité touristique n’est pas, selon le PDG, limitée aujourd’hui par le nombre d’avions mais par les chambres d’hôtels. Et en attendant qu’elles s’ouvrent, « il faut mettre en corrélation les sièges et le réceptif », c’est à dire limiter le nombre de vols. Carton plein chez ATN, donc. Reste à savoir ce que les passagers penseront de cette stratégie qui n’aidera pas à contenir le prix des billets.